Vredenburg, Utrecht
20 novembre 1999

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Cette année encore, l'espace Jean Roger Caussimon de Tremblay avait bien fait les choses avec deux mini-bus et au total environ 25 inscrits pour ce "marathon du blues" (20 concerts en 12 heures répartis sur deux salles). La route fut bonne (environ 6 heures quand même) facilitée par un temps particulièrement clément. Après les habituelles difficultés pour se garer en plein centre d'Utrecht (surtout avec un mini-bus), nous débarquons à 15h pile dans le centre commercial de Vredenburg pour le coup d'envoi de la Blues Estafette 99, la 20ème du nom.
Comme d'habitude, il valait mieux ne pas arriver en retard, car le festival a démarré sur les chapeaux de roue dans la grande salle avec deux des principales têtes d'affiches : Johnny Jones puis Sherman Robertson. Malgré une balance un peu douteuse, Johnny Jones a confirmé ses excellentes prestations précédentes (Utrecht 97, New Morning 99), bon showman, se montrant aussi bon chanteur que guitariste avec un visage très expressif à l'image de B.B. King. Il fut rejoint en fin de set par un autre bluesman de Nashville, le chanteur Charles Walker. Le Louisianais Sherman Robertson prenait la suite avec son groupe. Si le jeu de guitare de Johnny Jones fait pensait à Albert King, celui très dynamique de Sherman Robertson rappelle plutôt Freddy King. Je ne peux pas trop donner de jugement sur ce set dont je n'ai vu que le final mais qui a visiblement enthousiasmé le public.
Comme les années précédentes, j'ai passé l'essentiel de mon temps dans la petite salle où l'espace est à mon sens plus propice à un concert de blues et où l'acoustique est aussi meilleure. Comme c'est la tradition à Utrecht, on y découvre beaucoup d'artistes peu (voir pas) habitués aux tournées européennes. Ca m'a contraint à faire l'impasse sur certaines grosses vedettes que j'avais déjà vu plusieurs fois. Cette année, encore plus que les années précédentes, compte tenu de la richesse et de la densité du plateau (20ème anniversaire oblige !) la frustration due à la programmation simultanée des deux salles était grande. Les choix sont cornéliens quand à la même heure, jouent Anson Funderburgh et Sam Myers dans la grande salle et Joe "Guitar" Hughes dans la petite salle. Personnellement, je suggérerais aux organisateurs qu'ils passent le festival sur deux jours avec une seule scène ou sur deux scènes avec des doublons comme les années précédentes où des groupes passait deux fois, une fois dans la petite salle, une fois dans la grande.
La programmation de la petite salle débutait avec des musiciens méconnus, des artistes habitués à parcourir les juke-joints des ghettos noirs, jouant un blues rural sans aucune concession à d'autres styles musicaux. C'est le cas de Tomcat Courtney et Bill Carter, deux personnages qui présentent sensiblement les mêmes caractéristiques: bonne voix, répertoire original, son brut et technique approximative à la guitare mais surtout une authenticité de plus en plus rare qui efface les imperfections techniques. Ces deux groupes sont dans la lignée de Big Lucky Carter qui avait ouvert l'édition 98 du festival dans la petite salle.
La première grosse révélation de la journée fut Fred Sanders, un chanteur guitariste venu de Memphis dont la ressemblance avec Luther Allison est troublante. Pour vous situer le gaillard, sachez que Fred Sanders n'est pas le genre "costard à paillettes et nœud papillon". Sa musique est assez roots, elle nous transporte inévitablement dans l'atmosphère poisseuse et enfumée des juke-joints. S'il joue assis, il n'en est pas moins spectaculaire n'hésitant pas à jouer avec la langue comme le faisaient les regrettés Luther Allison et Booba Barnes. Dans son style, il fait vraiment figure de référence au même titre que R.L. Burnside, Big Bad Smitty ou Booba Barnes. Ces plans originaux, son jeu tendu dans un style de blues typiquement rural lui ont valu un gros succès mérité qui ne devrait pas rester sans lendemain. Je peux vous dire qu'après sa prestation, il y a eu un véritable raz de marée chez les disquaires du festival en ce qui concerne le CD de Fred Sanders. Tout le stock (jusque là intact) a été vendu en quelques minutes.
J'ai été moins sensible au style plus sophistiqué du pianiste Dennis Binder puis du saxophoniste Elliott Chavers dont le groupe aux influences plus jazz était d'un excellent niveau. Et pendant ce temps là, j'ai raté Charles Walker dans la grande salle qui a apparemment fait forte impression avec son blues teinté de soul et une formation très étoffée avec cuivres et choristes.
Le blues de juke-joint fait alors son retour dans la petite salle avec un émouvant "tribute to Frank Frost". Initialement prévu à l'affiche, Frank Frost est décédé à environ un mois du festival. Je dois reconnaître que les organisateurs sont parfaitement retombés sur leurs pattes après une tuile pareille en pensant à organiser ce concert hommage avec des musiciens qui le connaissaient bien, l'harmoniciste Arthur Williams et surtout le batteur Sam Carr, le fils du légendaire Robert Nighthawks. Le concert fut d'excellente qualité avec un Arthur Williams impeccable à l'harmonica qui a fait preuve d'une grande présence malgré le fait qu'il n'ait jamais décollé de sa chaise. Le guitariste Fred James qui auparavant avait déjà accompagné Johnny Jones puis Charles Walker se montrait comme d'habitude sobre et efficace (il utilisait une magnifique Gibson argentée).
J'effectue alors mon retour dans la grande salle pour découvrir Sunpie & the Louisiana Sunpots dont on m'avait dit le plus grand bien (notamment de sa prestation au festival de la Nouvelle Orléans 99). Malheureusement, j'arrive un peu tard pour Sunpie car pour la fin de son set, ce sont ses invités qui lui ont pris la vedette. Ce fut d'abord Lazy Lester, qui assura le show seul à la guitare acoustique. Si son jeu de guitare est des plus remarquables, j'ai regretté qu'il n'ait pas réellement joué du blues; dommage ... Arrive ensuite l'impressionnant Roscoe Chenier et sa Gibson qui comme Lazy Lester est un habitué du festival. Sa prestation fut excellente malgré un visage désespérément impassible, dans un répertoire très swamp blues à l'image de son dernier CD, accompagné par Sunpie et Lazy Lester aux harmos. J'ai juste regretté que ce ne soit pas plus long.
Je retourne alors dans la petite salle pour découvrir l'une des principales révélations du festival: le Millage Gilbert's Down Home Blues Band. Ce chanteur guitariste originaire de Jackson, Mississippi et installé à Kansas city (il est permanent au Grand Emporium, là où Anson Funderburgh & Sam Myers ont enregistré leur CD live) fut remarquable dans un style de blues urbain inspiré par Albert King, faisant preuve d'un très bon niveau technique. Même Sherman Robertson, présent dans la salle s'est avoué impressionné ! Il a joué de l'harmonica au rappel. J'ai juste regretté qu'il ne joue essentiellement des reprises (Texas flood, the thrill is gone, stormy monday ...).
L'harmoniciste Little Arthur Duncan lui succède avec sa dégaine particulière et son Chicago blues dans la plus pure tradition. Très bien accompagné notamment par Studebaker John à la guitare et Richard Hite (frère de Bob, ex chanteur de Canned Heat) à la basse, il est lui aussi à placer parmi les grandes révélations du festival. Par contre, Junior Kreher à la guitare rythmique est toujours aussi discret pour ne pas dire absent.
Joe "Guitar" Hughes arrive ensuite dans un éclatant costume rouge. Il a manifestement pris un bon coup de vieux. Si son style est toujours aussi dynamique, il a parfois du mal à reprendre son souffle. S'il reste malgré tout un bon showman, sa prestation (bien inférieure à celle du New Morning en janvier 1996) m'a personnellement un peu déçu.
Je fonce dans la grande salle pour assister au final du show d'Anson Funderburgh et Sam Myers: grandiose ! Pourtant, chaque fois que je vois Sam Myers, vu son état physique, je me dis que c'est sans doute la dernière fois ... et il est toujours là et bien là, sa voix est intacte son jeu d'harmonica toujours aussi profond. Je retourne dans la petite salle un peu frustré d'avoir raté l'essentiel de ce grand moment de blues.
C'est un J.J. Malone en pleine forme qui ouvre le set à la guitare accompagné notamment de Frank Goldwasser alias Paris Slim à la guitare (le seul musicien non américain du festival est français !) et de Chris Millar à la batterie (fondateur et directeur artistique du label Fedora). J.J. Malone passe ensuite aux keyboards pour laisser la vedette au spectaculaire et bondissant Jimmy "Guitar" Mamou. Avec son chapeau blanc, son gilet à paillettes, ses chaussures zébrées et sa guitare dorée, ce Louisianais d'origine n'est pas passé inaperçu. Il tient curieusement sa guitare verticalement, dont il joue un peu comme s'il s'agissait d'une contrebasse. Même s'il est limité au chant comme à la guitare, son charisme et la qualité de ses accompagnateurs le font figurer en bonne place parmi les révélations du festival. Paris Slim est toujours resté en retrait avec un visage complètement fermé, il a néanmoins dégainé à deux reprises pour des solos dont il a le secret.
Le festival se termine vers 3 heures du matin dans la grande salle avec King Ernest & the delta groove cats en remplacement de Finis Tasby initialement prévu et absent pour raison de santé. Alex Schultz (ex guitariste du regretté William Clarke) a fait particulièrement forte impression. Il m'a personnellement fait penser à Rockin' Johnny (guitariste de Tail Dragger). Mention bien également pour l'harmoniciste Randy Chortkoff que je découvrait. Dommage que la fatigue commençait à se faire sérieusement sentir.

Cette 20ème édition du Blues Estafette était donc un cru exceptionnel non seulement par sa richesse et sa densité mais aussi par la grande variété de styles. La tradition qui veut que tous les chanteurs soient noirs était cette année encore respectée, même si quelques guitaristes blancs comme Anson Funderburgh, Paris Slim ou Alex Schultz ont bien tiré leur épingle du jeu. J'ai personnellement beaucoup apprécié l'exposition photo de Denis Chapoullié sur le thème de la "route du blues" qui décorait les couloirs, dommage qu'il y ait eu quelques tours de passe-passe au niveau des légendes, avec par exemple une photo du Tabby's Blues Box à Baton Rouge avec l'étiquette "Saint Louis, Missouri". Si sur le lieu du festival, on se nourrit essentiellement de musique, j'ai été heureux de pouvoir déguster d'excellentes crêpes bretonnes (faites par des bretons), ce qui change des habituels sandwichs et des fast food traditionnels.

Je tire également mon chapeau à l'organisation pour son strict respect des horaires tout en leurs faisant deux reproches: Jocelyn Richez


Ecrivez moi jrichez@hotmail.com Site officiel du festival


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