JOURNAL DE VOYAGE aux U.S.A., AVRIL 2003 (1/2)
Voyage de Rauni et Jean-Claude Billaud.
30 jours et 4 festivals de Jazz.
Mardi 8/4
Irak aidant, l'entrée aux US comporte des contrôles sérieux. Si le portail de détection sonne malicieusement :
branle-bas le combat ! Arrêt général, et devant la bonne société éberluée,
voici mon Jean-Claude pieds nus chaussettes, fouillé de prés "tendez les bras, écartez les jambes,
(dois-je voler ?), les mains hautes !".
Enfin on détecte l'objet de la forfaiture : une boite de cachou, métallique de surcroît,
caché dans une poche secrète !
On ne se fait pas une idée combien Lajaunie peut être pernicieux. Mais avec Aretha Franklin qui chante en fond de scène,
les choses s'acceptent plus aisément. Quelques jours après c'est Rauni qui va trinquer,
dame elle s'est équipée d'une salopette rigolote, mais avec 50 boutons métalliques, la perverse !
Mercredi 9/4
Trouver une "accommodation" dans le
French Quarter de
la Nouvelle-Orléans,
cela existe chez Sadie !
Quel froid dés le matin : 45 fahrenheit = 7°C. On a mis toutes nos peaux, à peine assez !
Alors que l'on était équipé pour 20 ou 25° C. Comme dit l'ami de Wichita :
"l'Amérique est un grand corridor qui va de la baie d'Hudson au Golfe du Mexique ou les vents polaires s'y baladent sans prévenir."
Courses au petit super market de quartier (quel entassement !) cela revient moins cher, et l'on rencontre le voisinage !
Concerts durant l'après-midi au café "Margaritaville" ou l'assistance est réduite : 10 à 20 spectateurs.
Excellent guitariste, et fort chanteur. Un programme large : de blues à R & B et du Boogie, du vrai, du musclé, un peu de Country aussi.
Il compose presque tout ce qu'il chante. Il aime parler avec les spectateurs dans ses chansons, et répond, surtout aux spectatrices,
en improvisant des couplets nouveaux. Un programme aussi viril que les Shanties des marins du monde.
John n'est pas le premier venu, il effectue une tournée en Europe cet été, avec Dr John, un autre personnage celui-là,
en France : Nice et Paris.
Jeudi 10/44
Doreen Ketchens
Rencontre d'une clarinettiste chanteuse des rues qui a fait une page dans Jazz-Hot le mensuel de jazz français.
Une instrumentiste talentueuse rivalisant avec le trombone. Puissante à en perdre le souffle et cependant souple, délicate.
Elle chante très bien en plus. Des sonorités neuves, aves des musiques dans la traditions neo-orléanaise.
Autour d'elle un big band, tradition des rues, s'est constitué, il opère sur Jackson square (le centre de la N.O.),
un ancien, batteur sage, partage les gains ce qui rassure tous les musiciens. "Je m'appelle Guillot,
ce n'est pas très différent de Billaud, il y en a de ce nom dans ma petite ville, bienvenue !"
L'accueil pour nous est très chaleureux, une partie du coeur reste Français.
WWOZ 90.7
Une visite remarquable est celle de cette station la radio du jazz à la Nouvelle-Orléans.
Elle émet sur un rayon de 90 km, 24X24. Échange de cadeaux après conversation hors antenne.
Cette radio assure la couverture de tous les évènements musicaux (hormis rap et musique classique)
sur le territoire de la Nouvelle-Orléans et ses nombreux habitants. Le volontaire du jazz classique (Miles Davis, Coltrane…)
porte un bouton à son chapeau de paille "Fuck Bush", que l'on pourrait traduire honnêtement par "M. à Bush".
Vendredi 11/4
Dans les rues toujours, et au hasard des promenades, un beau son N.O. nous attire vers un café :
Billeo Brothers
Le chanteur est Prince Albert, un bon, petit bonhomme avec un grand coffre, qui nous a fait un Otis Redding superbe.
Un répertoire de professionnels qui roule très bien, ou cette voix grave peut s'exprimer pleinement. À suivre.
Wild Magnolias
Le soir au club "Donna's" un club populaire de la rue St Ann où nous habitons, ce programme nous attire.
90 sur les 130 spectateurs sont debout, dire qu'il y en a qui se plaignent à la cave du jazz !
La réputation de ce groupe est solide : un style africain dans les rythmes, US dans les guitares, louisianais dans les vocaux.
L'impression dominante est celle de la grosse caisse claire, avec les mailloches : elle donne l'envoutant "beat africain".
Et les voix , la voix du chef de la tribu ! En effet, ces tribus indiennes noires, assez nombreuses, s'expriment
et s'affirment par la musique. Et le volume sonore, trop, toujours trop !
Ce n'est pas à déraciner les chênes, mais à renverser les maçonneries.
Les Wild Magnolias ne sont pas seulement wild, tellement sauvage, mais aussi Magnolia.
Ils portent de somptueuses parures complètes en plume blanche d'autruche, qui quadruplent le volume des corps.
Outre le chef on avait pu loger seulement 2 Magnolias sur la scéne. C'est dire du défilé
que doit être le Mardi Gras à N.O., la grande festivité, plus moderne et plus éclectique musicalement
que celle de Rio. Le chef de tribu doit être abreuvé plusieurs fois par quart d'heure, tant il produit de vapeur d'eau.
L'ensemble vous a une allure époustouflante, complètement originale, la salle est hypervoltée,
si fortes sont les impressions qu'à minuit on est exténué.
Samedi 12/4
Aujourd'hui le "French Quarter Festival" commence; les rues Royal et
Bourbon et les bords du Mississippi
sont réservés aux 15 scènes de concert. Comme en plus le temps devient beau et chaud, c'est l'Amérique !
Un passage à la scéne Gospel du "Craig Adams" nous a montré un groupe submergé par l'orgue Hammond.
Quelques beaux morceaux, quand même, ainsi un "Happy Day" au long du Mississippi devant le "Natchez" ( belles roues à aubes) en partance,
et les membres de l'église baptiste transportés par la foi.
Mi-journée; j'aperçois un rassemblement devant le Parc Armstrong : joli jardin boisé, ponts, piéces d'eau.
La banderole de la manifestation est page précédente, j'y cours. On m'interpelle "Hé Bob he is French !" .
"Terry this is a Frenchman !"
Thank you, thank you ! Cela faisait beaucoup de mains à serrer. Cela ne s'est pas toujours passé ainsi,
il y eut plusieurs silences embarrassés. Les Américains eux-mêmes, lorsqu'ils sont contre le conflit, sont traités de non-patriotes.
Pfister Sisters
Trio de charme de grande qualité, du beau jazz vocal, comme on en voit si peu, trop peu.
De plus elle représentent fort bien le style N.O. Les accompagnateurs sont aussi de belle qualité : le batteur de la famille Neville
(du Snug Harbour, le bon club, le premier), le trompette-chanteur Leroy Jones, s'il vous plait.
Le reste à l'avenant; basse , contrebasse, piano. 400 ou 500 personnes autour de cette scène de la rue Royal, et ce n'est pas pour rien.
Un merveilleux programme de finesse, de sensibilité, d'harmonies. Un délice le "Mood Indigo" de Duke Ellington.
De leurs compositions aussi, des standards et des meilleurs. Un régal trop rare, dans ce monde de brutes !
Quand on sait qu'elles veulent venir à Paris et dans les petits clubs français, on est sidéré de leur simplicité,
comme on l'est de leur talent.
Dimanche 13/4
9h, le service religieux de Greater St Stephen. Un spectacle méticuleusement organisé. D'abord la mise en train,
le choeur interprête 3 gospels (gospel signifie évangile). La prise de son aérienne, qui ravirait Pierre,
donne un volume cohérent aux 40 choristes et 4 solistes. Le travail est sensible, le résultat de qualité.
Aujourd'hui le Preacher est une femme, elle prépare sa voix avant d'attaquer les grands passages.
L'orgue hammond qui n'avait que souligné certaines fins de phrases, entre en scéne.
Il appelle le batteur qui se fait aider par son jeune fils ; les phrases deviennent violentes de conviction.
La basse amplifie la force des mots. Un passage plus calme permet au jeune fils d'aller s'endormir sur l'arrière scène.
Etant malgré tout sensible au contenu mystique, je suis subjugué par la force des mots et le ton de la prédicatrice.
Les gens se lèvent, approuvent à haute voix, accompagnent le message de quelques mots, mais la sono est là,
pour toujours maintenir la continuité.
Avant de quitter St Stephen, une jeune femme noire, Sheriff en uniforme s'il vous plait,
nous offre très gentiment de nous reconduire en voiture à notre B & B. Elle nous fait visiter un peu la ville,
parle un peu de sa vie, et nous donne des conseils de prudence pour la grande fête de cet après-midi.
Super Sunday
Nous avons eu beaucoup de mal à connaître le lieu de cette fête, manifestation réputée, bien que secrète.
Personne ne connaissait ni le lieu, ni le jour, ni l'heure, surtout pas l'office de tourisme, ni les journaux, ni même aucun blanc.
En effet, la fête est noire, avec toutes les tribus : Wilds Magnolias, Golden Eagles...
un grand défilé, avec des brass bands, des percussions, des danses... à ne pas manquer.
Nous affectionnons fort les manifestations authentiques ! Enfin, un batteur noir m'a livré le secret, car il s'agit bien de cela.
Le jamboree (le rassemblement des tribus) a lieu à quelques miles sur une grande prairies au bord d'un canal;
aprés les quartiers noirs dangereux. Le terrain du regroupement reçoit des camions, des vans pleins de costumes,
des tribus noires qui cooptent toujours de nouveaux adeptes. L'habillage se fait dans la joie, et l'échauffement des instruments.
Costumes inimaginables, des plumes d'autruche rouges, blanches, vertes, bleues, noires...
Personnages hauts de plusieurs mêtres, plumes frémissantes dans le vent, l'impression est forte durant tout le défilé
sur les plusieurs miles de l'avenue Orléans, malgré le soleil louisianais. Préparation et défilé : 4 heures.
Soleil brûlant qui épuise toutes les tribus. Il restait à voir au bord du Mississippi le spectacle de Kermit Ruffins,
excellent trompettiste-chanteur de la tradition Neo Orléanaise, dont on reparlera plus tard.
Lundi 14/4
De longues promenades dans la ville pour retenir notre voyage en Greyhound (les fameux bus transaméricains) vers Memphis.
Nous passons par le disquaire "Music Factory" avec ses CD "used"(seconde main) dont le prix fait frémir les papilles des économes
des foyers comme Rauni, pensez, 9 $ !
Le soir nous voulions aller au cabaret "le chat noir", mais prix élévés et style Broadway nous convainquent de rentrer.
En chemin, rue St Peter, nous rencontrons la file d'attente de "Préservation hall", pourquoi pas une nouvelle couche ?
Préservation hall
Préservation hall est le haut lieu, le premier, où les musiciens du début du jazz se rassemblaient.
La salle de ce temple du jazz défie toute description : on se fait un devoir de la conserver à l'identique rien n'est propre (1920 !),
tout le monde est debout, ou par terre, personne ne se plaint pourtant. Le répertoire est traditionnel et si chaleureux !
Durant "Everybody loves my baby", un énorme cafard de 5 cm est passé, comme un éclair entre les rangs des assis par terre, effroi !
et repassé, Madame. Dans un geste olympien, la clarinette a lancé son talon, touché et coulé !
Ovation à la musique de Clarence Williams ! On se laisse quand même emporter, non par Réginald Koeller leader trompette,
mais bien par le remarquable clarinettiste Michael White et un trombone facétieux.
Banjo et piano sont embarqués ensemble pour le très bien. Le style donne toujours la joie de vivre,
et l'allant s'il vous en manquait ! En sortant, 2 heures après, la queue faisait 50 mètres, durée d'attente 1 heures au moins.
Mardi 15/4
Promenade éreintante sur "River Walk", mall commercial, le long du splendide Mississippi, des dizaines de boutiques,
avec de cadeaux qui ne peuvent servir à rien (idée masculine). Envois d'Email, pratique et si bon marché.
Retour au Margaritaville, pour un verre autour des concerts du jour.
Depuis le courant d'air glacé du premier jour, tout a changé. Il fait espérement beau, c'est-à-dire ensoleillé et l'été quoi,
plein de degrés Fahrenheit. Nous rentrions, un peu sonnés des distances parcourues à pied.
Nous entendons un Brass band jouant sur la plateau d'un camion qui s'arrête. 23 heures, pied à terre,
un septet N.O. entame un concert impromptu. Le grand répertoire, ma doué !.
La section harmonique : sax, trombone, clarinette, fait face au leader, trompette, ils avancent et reculent comme à la manœuvre.
A gauche sur le trottoir la section rythmique : contrebasse, caisse claire, et grosse caisse verticale, un vrai marching band !
Leur ami, noir, qui les avait reconduit à leur quartier (living quarter) fait les chorus tambourin (trouvé sous son siége).
20 spectateurs, puis 40, 50 c'est un attroupement, la circulation s'arrête, les gens viennent applaudir.
Un danseur patenté improvise une vraie démo de Charleston. Du balcon un trombone prête sa voix.
Tous célèbrent la Nouvelle Orléans ambiance à nulle autre pareille, ou l'improvisation est la reine et la vie.
mercredi 16/4
Lafayette Square
Au milieu de buildings de bureau un parc de 5 Ha, avec des arbres splendides comme presque partout en Louisiane.
Il est 17 h, et après le bureau, les Américains arrivent en famille. La scéne est montée.
Tout autour, sur le parc, les stands d'une vingtaine de sociétés : disquaires, restaurants, vendeurs de voiture, confituriers,
bars, banques, assureurs...qui financent le spectacle. Ainsi le concert est gratuit, de plus chacun peut boire et manger chez les sponsors.
La boucle est fermée. Le programme : Kermit Ruffins et les Barbecue Singers rassemble 2000 personnes.
La manifestation est conviviale mais aussi "social" pour rencontrer famille, amis, fournisseurs, clients.
Le leader Kermit Ruffins, dont on a brièvement parlé, sait divertir son public, il a une excellente réputation, est-elle méritée ?
Trompette, chanteur, boute en train, il mène la soirée 2 heures durant. Son entrain est communicatif.
Il a même prévu que ses 3 petites filles noires (5 à 8 ans) dansent en bas de la scéne, comme les showomen d'une comédie musicale.
La plus jeune avait même interprété au piano un "cake walk"( danse acrobatique de 1920)...
On sait déjà tout faire à cet âge chez les Ruffins ! Succès plusieurs fois confirmé par une tonnerre d'applaudissements.
Il faut réussir, en plein air ou l'ambiance est bien plus difficile à la faire monter.
Il a une manière bien à lui de déchaîner les enthousiasmes, il est porteur de chaleur humaine, et ne ressemble à aucun autre.
Qui a ouvert et fermé le spectacle ? Le disquaire (noir) "Je suis heureux de vous présenter tel et tel"
Et après il chante, OUI ! Le band, jamais pris au dépourvu suit, et reprend le refrain,
lui nous produit un autre couplet pour faire bonne mesure. Une voix grâve, parfaitement assise, un disquaire de Louisiane quoi !
Ils font bien partie de la musique non ? Nouvelle Orléans, tu vis ! Mercredi prochain, n'oubliez pas de venir.
Le Jeudi, r.a.s.
Vendredi 18/4
Changement pour un hotel , les aléas des voyages!
Rencontre avec les célèbres Pfister Sisters (ne pas prononcer le P), elles aimeraient venir en France, Samois les tente,
et nous aussi sommes tenté.
Un dernier soir à "Préservation Hall" avec Leroy Jones. Trompette apprécié, il présente la partie chant de son talent.
Une voix nette, qui sait rendre toutes les modulations, les émotions, et ne force jamais ni sur les mots ni sur les finales.
Voilà quelqu'un qui pourrait faire une carriére de chanteur, simplicité, modestie… arrête, arrête !
Le tuba, un des excellents du big band des rues, nous fait un émouvant "Just a closer walk with thee" (Jésus, bien sûr),
qui réjouirait Manda Djinn et ses choristes, comme il a sû toucher tous les cœurs.
Samedi 19/4
Les Américains nous avaient conseillé l'avion ou la voiture, pour aller à
Memphis. Aussi avons-nous pris le bus.
De N.O. à Memphis, c'est 11h. Itinéraire conseillé pour ceux qui veulent voir la vie des campagnes.
On ne traverse pas des villages, mais uniquement des petites villes issues de la cinémathèque U.S..
De modestes maisons en bois, peintes, entourées de pelouses souvent parfaites et de bosquets, de petites industries.
Même pauvre, l'ensemble est agréable. Calmes et nostalgiques campagnes reliées par des doubles voies qui s'appelleraient
autoroute en France, et qui ne sont que de modestes interstates. Ici, c'est 61 Interstate, la grande voie du blues
qui remonte vers
Chicago. Les voyageurs du Greyhound sont peu argentés, peu pressés,
entre 2 étapes ils couchent dans le dormitory de la compagnie. Les bus sont des lieux de rencontre,
pour raconter ses malheurs ou sa vie à un voyageur que l'on ne reverra sans doute plus jamais.
Dimanche 20/4
Memphis s'éveille le dimanche de Pâques avec le sentiment d'un grand jour, surtout dans les églises Baptistes.
C'est le moment d'aller voir le défilé de chapeaux, de plumes, de luxueux escarpins, et de partager cette allégresse.
Quoi de mieux que la plus grande église, on choisit : "Temple of délivrance" de l'Evêque Patterson, située rue Patterson bien sûr.
On signe vite le registre (on sera mentionné en chaire), pour se placer le plus prés possible du chœur,
une grande salle hexagonale pour 5000 fidèles, avec balcon. Un sextet vocal met en condition les participants qui arrivent progressivement.
Les officiants du bishop prennent l'assistance sous pression, l'immense rideau rouge s'ouvre sur 120 choristes,
avec tous les instruments du jazz, plus un orchestre classique de 12 musiciens, harpe comprise, rien moins.
La sono est très bonne, mais cela n'a pas été une mince affaire, micros aériens, et sur pied,
retour de scène de même facture. Plus 2 caméras fixes de télévision,
et un grand bras télescopique articulé de 20 mètres pour fouiller les visages des interprètes.
Deux écrans géants donnent les paroles des hymnes, les images du Preacher, des chanteurs,
et les séquences d'info pour devenir bon chrétien et meilleur citoyen conscient de la santé de ses proches.
La régie technique sono au milieu, face à la scène, possède une installation de pupitres qui rongeraient de honte
la Maison de la Radio de Paris 16°. Entre 11h et 13h les séquences se succèdent sans interruption, et sans jamais lasser,
faisant évoluer les fidèles d'enthousiastes a survoltés, en passant par émotion silencieuse.
Mais le morceau de choix est le prêche du Bishop Patterson, interactif certes. En fin de phrase,
ses paroles se situent sur une note de musique tenue. Il scande ses mots, on est déjà dans le gospel.
Les instruments interviennent progressivement; le passage du parlé au chanté est un modèle du genre : trois étoiles.
Pour la seconde partie d'une telle journée, il fallait un programme de classe.
Jobie Kilzer et David Evans
Où ? À la Old Millington Winery, un café-vignoble, en plein
Tennessee,
qui produit un vin doux fortement parfumé : "le Muscadine". Dans un modeste appentis pour 15 personnes,
une scène minus, pour un concert de blues organisé par le couple Welch.
2 artistes : guitare acoustique, kazoo (sorte de mirliton métal), harmonica.
Rarement nous avons pu entendre de morceaux plus naturels, plus clairs, plus authentiques.
Pas d'effets, pas de paroles tapageuses, pas d'attitude de scène, le blues, le vrai.
Il faut dire que David musicien de blues connu des puristes est en outre professeur à l'Université du Tennessee,
chaire d'ethnomusicologie, il vient d'obtenir le "Grammy Award" la plus haute distinction musicale pour son travail de recherche
sur le blues. Un de ses CD est diffusé par la bibliothèque du Congrès des Etats-unis.
3 heures de blues, un spectacle dont on se souvient toujours, témoignage unique d'un passé récent,
spectacle qui incline à se taire. Pour l'acquisition des albums, rauni s'en charge, comme toujours.
Ils nous ont fait un "pretty mama" blues d'un charme à pleurer.
Lundi 21/4
Hamburger chez Hueys (Prononcer ou-ize)
On ne peut indéfiniment éviter le repas U.S. Ce hamburger-là fond dans la bouche, à essayer, juré.
Nous sommes allés rencontrer 2 professeurs d'université; Fred et Remy du Memphis Collège of Art.
Aimer le blues est une chose, le comprendre en est une autre. Origines, altérations, différents styles,
presque tout à fait l'objet d'un commentaire avec le cœur. La pénétration de la substance du Blues est pour nous
quelque chose d'important. Avec une gentillesse sans égale, une franchise, et une clarté entière
Fred et Remy nous ont brossé en 90 minutes un tableau dont les contours deviennent de plus en plus précis.
Mardi 22/4
Center for Southern Folchlore
Avec une grande gentillesse, Judy Peiser nous accueille à bras ouverts, rendez-vous organisé, bien sûr.
Le centre, déco psychédélique, style juke joint, contient de multiples objets rigolos, livres,
documents sur la musique, à voir absolutely. Et, chaque jour concert entre 11h30 et 13h30,
cependant qu'un self-service de qualité (OUI, c'est possible !) vous fait un repas aux saveurs du midsouth, presque le sud...
The Masqueraders
Peu de spectateurs pour ce trio vocal Soul. L'étiquette indiquerait qu'il s'agit de la musique de l'Âme : et c'est vrai !
A capella, en polyphonie ou à l'unisson la qualité est irréprochable. Sauf peut-être,
que certains morceaux des années 50 ont été un peu flétris par le temps. Pour moi rien n'est à jeter, je me délecte.
Leur dépliant indique "Ready for the world", je le vois. Un talent attesté par le public qui s'est un peu étoffé.
Parmi ceux-ci il y a Sonny Turner heureux, dont le groupe "Les Platters" est connu du monde entier.
Il nous offre son nouveau CD, somptueux. Il est toujours heureux de venir voir ses amis les "Raders" comme il dit.
Leurs meilleurs morceaux "God bless the child" de Billie Holiday et "What a wonderfull world" qui vous savez.
Comme toujours au Center je suis autorisé à enregistrer. Ma voisine traîne dans le magasin,
elle revient avec une salopette peinturlurée, fantaisie d'artiste, (elle dit "création design", hum !).
En tous cas elle aura du succès.
Vance Ensemble
Une route longue dans la nuit, passant par des zones à éviter. Nous allons voir Sister Effie Parker.
Le quartet Gospel : "Vance Ensemble" répète ce soir. Enfin on trouve la porte, c'est un repas entre amies.
Sister Effie essaye sa voix : Oh Lord, Hei Jésus ! Les autres émettent des grondement, des murmures ou des grognements.
Elle enfle sa voix, et commence, sans aucune indication. Le choeur répond, c'est parti !
Alternativement chœur polyphonique ou soliste, les chanteuses font défiler le répertoire.
Seules quelques paroles de prière séparent les morceaux. Les voix se situent dans la tonalité des graves,
rythmes alternés, harmonies fortes. Le concert produit une pression sur l'entourage comme sur elles-mêmes.
La beauté est mâle, étonnant pour 4 femmes (entre 40 et 60 ans). Leur force est attachante,
ainsi que la recherche des notes bleues. Aucune section rythmiques ne les accompagne, les mots suffisent amplement.
Une soirée qui comptera pour .... seulement deux spectateurs.
Elles font beaucoup de concerts dans la région et les États voisins, ce qui ne nous surprend guère.
Copyright © Jean Claude & Rauni Billaud 20/05/2003