Nous arrivons à l'aéroport O'Hare de Chicago en fin d'après midi. Nous avons tout juste le temps de récupérer la voiture de location, de passer à l'hôtel et de dîner avant d'aller passer la soirée en club. On constate d'emblée que le Rooster Blues situé à proximité de notre hôtel est définitivement fermé.

Les clubs du sud sont traditionnellement fermés en début de semaine et il faut reconnaître que le programme du jour n'est pas particulièrement alléchant. C'est pourquoi, compte tenu de la fatigue du voyage, nous faisons le choix de la proximité en décidant d'aller au "Blue Chicago" où Lindsey Alexander et Zora Young sont à l'affiche. J'aime assez le cadre de ce club de taille moyenne, sa décoration, ses murs volontairement bruts sans doute pour donner une ambiance "juke-joint" à cet endroit assez chic, les peintures de John Carroll Doyle qui sont indissociables de l'image du club. Malheureusement, Zora Young est absente apparemment pour problème de santé et Lindsey Alexander nous présente une piteuse prestation absolument indigne de la réputation de la ville et de ses clubs. A la fin du premier set, nous partons sans hésitation et sans regret en direction du "blue Chicago on Clark" situé à tout juste deux patés de maisons sachant que notre billet d'entrée permet d'accéder aux deux clubs. C'est Charlie Love et Grana Louise qui sont programmés. Mais, le concert est très funky et nous décidons rapidement de rentrer à l'hôtel pour nous reposer, on en aura bien besoin. Et puis en ce qui concerne le blues, nous aurons largement l'occasion de nous rattraper.

La journée débute avec un peu de tourisme dans le south side dont le visage inspire plus que jamais tristesse et désolation. Nous allons repérer quelques clubs à la lumière du jour comme le Checkerboard Lounge (423 E 43ème rue), le New Checkerboard Lounge (1634 W 69ème rue), le Lee Unleaded (7401 S Chicago Avenue) et les clubs de la 47ème rue. Nous profitons pour aller boire un coup au 113 club sur la 47ème rue où nous remarquons une affiche pour le "mid south Chicago blues festival" sur Oakwood Boulevard à ManDrake Park au niveau de la 40ème rue. Au programme, il y a quelques grosses têtes d'affiche comme John Primer, Eddie C Campbell et Bobby Rush. Ca tombe bien, ce festival se déroule dans quelques heures et nous sommes déjà quasiment sur place ! Nous prenons néanmoins le temps d'aller voir le New Regal Theater sur la 79ème rue dont l'aspect monumental et l'architecture orientale avec dômes, minarets et mosaïques est à la fois spectaculaire et décalé. Nous faisons aussi un petit arrêt chez Dr Wax south side (5225 S. Harper Avenue), un magasin de disques réputé. Mais le choix comme les prix sont décevants.

Il est désormais temps de nous rendre à ManDrake Park pour assister au "mid south Chicago blues festival" dont c'est la 10ème édition. C'est aussi une occasion unique de se plonger dans ce south side qui a si mauvaise réputation et dont la violence fait forcément un peu peur. Le festival est une sorte de fête de quartier organisée avec des moyens sans commune mesure avec ceux du Chicago Blues Festival des 4 jours suivants. Une petite scène provisoire est installée au milieu de la rue entourée de quelques stands vendant notamment nourriture et boisson. Evidemment, le public est en grande majorité noir mais je remarque aussi quelques touristes blancs, des passionnés souvent européens venus à Chicago pour le Chicago Blues Festival. C'est John Primer qui ouvre le festival sous un soleil de plomb accompagné de son nouveau groupe (the real deal blues band) qui est de grande qualité, notamment l'harmoniciste. Quelques invités se succèdent ensuite autour de John Primer, comme Little Scottie, Pat Smillie et la chanteuse Jessie. J'ai la confirmation qu'il y a encore d'excellents bluesmen dans le south side. Le concert est suivi d'une prestation étonnante de Cleo (dite the clean up woman) mêlant la danse avec érotisme et une pointe d'humour: ça m'apparaît complètement décalé mais ça plaît beaucoup au public local qui n'hésite pas à danser. Eddie C Campbell, très décontracté, suit tout cela tranquillement installé sur un siège de camping au milieu du public avant de monter à son tour sur la scène. Les occasions de voir sont rares car même à Chicago, ses concerts sont peu nombreux. Son style est réellement original sans jamais être démonstratif. Il a une sacré prestance, une bonne voix et un superbe jeu de guitare; la grande classe. En plus, il a quelques invités exceptionnels dont son ami Billy Boy Arnold en personne ! Le concert de Tony Rogers m'apparaît ensuite bien fade. Quand à Bobby Rush, l'organisation semble de plus en plus s'inquiéter de son retard. Apparemment, il n'est jamais arrivé. Ce n'est pas grave, on aura l'occasion de le voir plus tard à Cognac.

Pour la soirée, on se déplace dans le north side pour aller au B.L.U.E.S (2519 N Halsted), un de mes clubs favoris sur Chicago. Ce soir, c'est Biscuit & the mix qui est à l'affiche, un groupe dont le leader est le bassiste chanteur Biscuit Miller, bassiste de Lonnie Brooks depuis 1994. C'est un bon chanteur charismatique. Le groupe a quelques bonnes compositions et surtout un excellent guitariste Jimmy alias Big J, très à l'aise sur les blues lents, dont le style et le physique rappellent forcément Albert King. En plus, il joue sur une Gibson Flying V ce qui n'est certainement pas un hasard. Une bonne découverte malgré quelques morceaux funky-blues qui me plaisent moins.