Interview - Stincky Lou and the goon Mat aux USA (1/2) | Interview - Stincky Lou and the goon Mat aux USA (2/2) |


Stincky Lou and the goon Mat aux USA (1/2)


Durant cette longue interview qui s'est réalisée en trois étapes en décembre 2002, Laurent Goossens et Mathias Dalle alias Stincky Lou and the goon Mat racontent en détail leur voyage au Etat Unis durant l'été 2002, un récit bourré de références et agrémenté de nombreuses anecdotes.


Jocelyn Richez: Tu reviens d'un voyage de 2 mois aux USA. Etait ce ton premier voyage là bas ?

Mathias Dalle: En fait non, j'y étais déjà allé il y a 4 ans. A l'époque, mon but était d'aller à Austin car j'étais un fan de SRV (il faut bien commencer par quelque chose ...) comme je n'avais pas beaucoup de moyens (tiens c'est toujours le cas maintenant ...) j'ai débarqué en Floride car le billet n'était pas cher ! après j'ai fait l'Alabama, le Mississippi, le Texas (Austin, Houston) et Memphis, et je voulais vraiment y retourner depuis 4 ans. Il y a 4 ans déjà, je voulais rester là bas.

Jocelyn: Quel était ton objectif cette fois ?

Mathias: les objectifs étaient diverses : le premier étant bien évidemment les vacances et le bon temps avec Laurent mais c'était aussi de prendre des contacts en vue d'une installation future, je voulais voir le plus de villes possibles pour voir là où je me sentais le mieux et voir là où il y avait le plus de possibilités pour jouer, et travailler ...

Jocelyn: Comment as tu préparé ce voyage ?

super chevy van Mathias: En fait, on a préparé ce voyage pendant près de 2 ans ! il était prévu que l'on parte l'été précédent mais ça n'a pas pu se faire. Pour préparer le voyage il n'y avait pas grand chose à faire : acheter une carte et voir là où on voulait aller. Ensuite, il fallait obligatoirement penser au budget, comme je savais que l'hébergement est cher aux us et que louer une voiture pour 9 semaines est très onéreux aussi, on a décidé d'acheter un van sur place ! Nous avons trouvé un super chevy van pour 7500 FF ! L'itinéraire était fait, le moyen de locomotion et l'hébergement aussi, il fallait savoir ce que l'on allait faire là bas ! c'est là que la documentation et les mails commencent. Nous nous sommes donc servi des livres que l'on avait lu, de ta "route du blues" que l'on avait imprimé en 2 volumes et de quelques bonnes adresses que des potes nous on donné, comme Marc (Thijs) : sans ses adresses, le voyage aurait certainement était différent !


Jocelyn: Avais tu emporté une guitare ?

Mathias: non, j'avais décidé d'en acheter une sur place, mais en fait je suis revenu avec 4 guitares ! une gibson ES125 de 66, une silvertone, une supro et une télé reissue, que des bonnes affaires ! j'en avais acheté une première à Montréal pour pouvoir jouer là bas, une framus que j'ai échangé contre la supro à Los Angeles.

Jocelyn: N'était ce pas compliqué de trouver un endroit sympa pour garer le van la nuit ? ça a dû parfois être chaud, non ?

Mathias: Le truc c'est que sur 60 nuits on s'est fait héberger 40 nuits ! il suffisait d'arriver dans les bars et quand les gens nous demandaient où on était installé, on prenait un regard triste et on disait que l'on dormait dans le van et ça marchait à tous les coups, ils nous proposaient de nous héberger ! sinon de temps en temps, on était dans les campings, sur la plage, mais on a aussi dormi dans la rue dans le van, on a jamais eu de problème, on se renseignait avant et tout allait bien, le truc qui n'est pas pratique c'est de dormir dans le van dans les rues de San Francisco, dormir à 45 degrés, c'est pas génial ! sinon, à Bâton Rouge, un soir on a dormi dans un squat, ça, c'était folklorique ! mais sympa ...

Jocelyn: Julien Broissand, le guitariste de Scratch my back a tenté l'aventure en Floride, est ce que tu envisages de t'installer toi aussi aux US ?

Mathias: Ouais, j'y pense vraiment de plus en plus tant j'ai trouvé beaucoup de choses qui m'intéressaient là bas, ça vit beaucoup plus la musique qu'ici ! beaucoup plus de clubs donc beaucoup plus de concerts ! puis je me suis bien fait à la vie là bas, je ne sais pas si je pourrai y habiter longtemps mais je crois qu'une expérience de 6 mois ou 1 an serait très intéressante ! maintenant, je ne cache pas qu'il y a beaucoup de choses qui ne vont pas là bas, quand tu vois dormir un clodo devant une limousine pour la première fois, ça fait bizarre ! mais là bas, je trouve que les gens sont vraiment moins stressés, ils en profitent plus ! j'ai un peu le mal du pays ... (mais à l'envers !)

Jocelyn: Est ce que tu as trouvé l'endroit où tu aimerais t'installer et concrétiser ton rêve américain ?

Mathias: j'y allais vraiment avec l'idée de "où je vais m'installer ?", je pensais à la Californie et j'ai tellement adoré San Francisco, (c'est une putain de ville trop cool !) que je me voyais bien là bas mais le problème, c'est que c'est très très cher (appart !) et qu'il y a beaucoup de traffic ! quand on est descendu sur Los Angeles on a trouve une très très grosse scène blues mais les gens et la mentalité là bas, c'est pas mon truc ! donc, pendant le reste du voyage, je me demandais San Francisco, LA ... jusqu'à ce que l'on arrive à Austin ! là, je ne me demandais plus là où j'allais habiter, j'avais trouvé ! cette ville c'est le panard ! j'y étais déjà allé il y a 4 ans et j'avais déjà eu du mal à partir, cette fois c'était encore pire parce que l'on a rencontré plein de gens.

Jocelyn: Combien as tu fait de kilomètres au total ?

Mathias: 18000 km, et on n'a pas vu le temps passer !

Jocelyn: la première étape était Montréal, pourquoi ? ce n'est pas une ville réputée pour le blues ?

Mathias: En fait, j'ai un pote qui habitait dans le nord et qui est parti là bas. Comme on voulait acheter un van, on s'est dit: c'est beaucoup plus facile de négocier en français qu'en anglais, du coup on est allé à Montréal, on a vécu un peu chez le pote et on est tombé en plein pendant le festival de jazz de Montréal; là, il y a 4 concerts de blues par jour. On a vu Little Freddy King, catfish, Mississippi Heat, Sean Costello et des groupes locaux.

Laurent Goossens: on a surtout pris une grosse claque avec Catfish.

Mathias: Catfish, on les a vu 2 fois, une fois pendant le festival sur la grande scène, là, le batteur jouait en configuration "à l'ancienne" juste grosse caisse, caisse claire, shirley et rail par contre après, les gars nous ont filé un rencard et on les a revu dans un club et là, le batteur ne jouait qu'aux balais sur une caisse claire et comme il n'y avait personne dans le club, ça a fini acoustique. Tu fermes les yeux, tu entends Muddy Waters qui chante, ça l'a fait grave !!!

Jocelyn: vous pouvez me décrire le groupe ?

Laurent: le chanteur harmoniciste s'appelle Steven Barral. Il a LA voix, c'est hallucinant ! et puis, il est jeune, les guitaristes sont plus âgés, ils doivent friser la quarantaine. Mais c'est vraiment la formation des vieux Muddy Waters avec 2 guitares, batterie, contrebasse, harmo et chant.

Jocelyn: il ne manque que le piano…

Laurent: exactement ! Catfish de Montréal, c'était formidable. Quand on leur a dit qu'on venait de France, qu'on connaissait des gens, des endroits, ils étaient vraiment intéressés.

Mathias: Steven Baral est déjà venu en Europe et il a joué, pas avec Catfish mais avec d'autres formations.

Laurent: ça a été LA claque du voyage et on les a découvert dès le départ.
Laurent Goosens alias Stincky Lou

Mathias: à Montréal, il y a quand même une scène blues assez active, et on a vu d'autres groupes. Tu as un bar qui s'appelle le bar à Jojo qui programme du blues 7 jours sur 7. On a vu un groupe de blues qui s'appelait Jo hell et c'était pas mal! un peu influence Stevie Ray. On a tapé le boeuf avec eux. A Montréal, tu as vraiment plein de lieux où tu peux jouer du blues, c'est vraiment affolant ! Il y a un mois de cela, Rod Piazza jouait dans une salle qui s'appelle le club café. Montréal, c'est assez blues comme ville.

Jocelyn: c'est bizarre que ce ne soit pas plus réputé.

Mathias: nous, on a découvert plein de trucs là bas. Tu vois, pendant qu'on était là bas à Montréal, Bo Weavil jouait à Québec. Il y a plein de festivals de blues pendant juillet et août. De toutes façons, c'est une culture très américaine, donc, ils y vont.

Laurent: Montréal, c'est vrai qu'on a été surpris de la vie nocturne et après, dans toutes les grandes villes des Etats Unis où on et allé, Chicago, Saint Louis, San Francisco, Los Angeles, Austin, New Orleans, Baton Rouge, Memphis, en fait, le plan idéal quand tu arrives en ville, tu vas dans un café, tu ne cherches pas un motel, rien du tout, tu vas dans un café et tu discutes avec les gens et tu te débrouilles pour te procurer la revue qui donne le programme de tous les concerts de la semaine avec les adresses, dans toutes les grandes villes il y a ça, et le pire c'est que, n'importe où, tu as 10 concerts tous les soirs et les mecs, ils ne sont pas connus car ce sont des locaux, donc on a loupé un tas de choses.

Laurent, Wilie Kent et Matthias Mathias: Dans l'ensemble, quand même, c'était un voyage musical et musicalement, on a été déçu. Pas sur la quantité mais sur la qualité. En Europe, on fait le set bien comme il faut, on ne regarde pas la montre, on se change etc... On a vu plein de clubs, on a vu plein de groupes, on a vu des gars qui regardaient leur montre.

Laurent: on a vu Willy Kent à Chicago, il y avait 10 personnes dans le bar et à la fin des morceaux, c'est surprenant, les gars applaudissent à peine.

Mathias: tu vois, nous, on vient avec l'esprit européen, on crie, on applaudit !!! on était les deux seuls, les mecs là bas, ils s'en foutent. Les clubs à Chicago, c'est surtout business, on t'amène la carte, qu'est ce que tu veux manger ? qu'est ce que tu veux boire ? et accessoirement, tu as un groupe de blues. Willy Kent était à Cahors quand Bluesin' Machine avait été programmé et c'était pas le même concert ! Bon, on est allé au Checkerboard lounge, dans le south side et là c'est complètement différent !

Jocelyn: mais au Checkerboard, ce n'est ouvert que Jeudi, vendredi, samedi. En semaine, c'est fermé. Dans le north side, c'est ouvert 7 jours sur 7, même lundi et mardi.

Mathias: oui, c'est vrai. Tu vois au Checkerboard, c'était Vance Kelly qui jouait, j'ai joué avec Vance Kelly, j'étais complètement impressionné par l'endroit ! Je jouais qu'avec des blacks, c'était la première fois et je me retrouvais sur scène avec Vance Kelly au Cherckerboard, Whaouhhh !!!

Jocelyn: c'était avec sa guitare ?

Mathias: oui, avec la sienne. et avec son médiator ;-)

Jocelyn: alors, tu n'as pas joué avec lui ? vous n'étiez pas à deux guitares ?

Mathias: non, mais il chantait ! moi, ça m'a fait halluciner, c'était le deuxième jour qu'on était à Chicago, jouer qu'avec des blacks, c'est quelque chose !

Jocelyn: il y avait une chanteuse ?
Vance Kelly au Checkerboard Lounge

Reservation blues, Chicago Mathias: justement, il y avait une grosse "mama" qui chantait, qui était dans le public au départ, qui est partie au milieu de la scène, tu sais, elle chante: puis il y avait des breaks, je sais que les gars, ils ont tapé à chaque fois pile dedans avec elle, et moi, je les regardais, j'avais toujours un poil de retard ;-) le groove black, ça existe, c'est affolant !

Jocelyn: je reviens au concert de Willie Kent, c'était dans quel club ?

Laurent: c'était au réservation blues, le club d'Eddy Clearwater sur Milwaukee avenue.

Jocelyn: comment ça s'est passé avec Willie Kent ? Avez vous eu le temps de discuter avec lui ?

Laurent: oui, on a eu le temps, et comme on n'était vraiment pas nombreux dans le club, entre les deux sets, on a discuté, on s'est rappelé à leurs souvenirs car on les avait rencontré à Cahors. Jake Dawson s'en est souvenu ou alors il a été poli.

Jocelyn: Willie Kent aussi ?

Laurent: non, je ne pense pas. Bon, à Cahors, on était plus resté avec Jake Dawson qu'avec Willie Kent. Par contre, ça leur fait toujours plaisir de voir des européens qui viennent les voir et qui leurs disent qu'ils les ont déjà vu en Europe, ça ils aiment bien !

Jocelyn: au réservation blues, vous avez fait une autre rencontre…

Laurent: oui, Mike, le barman. On arrivait, on sortait de 10 heures de route, on venait de Montréal, en deux jours, on était arrivé à Chicago et on était franchement crevés ! La première chose qu'on avait envie, c'était de bouffer un vrai hamburger. Ca ne fait pas grossir, tu vois, en deux mois, on a perdu 4 kg en bouffant des hamburgers tous les jours et en buvant pas mal le soir ! donc, on a discuté pas mal avec lui pour savoir ce qu'il y avait à faire en ville, ce qu'on fait à chaque fois qu'on va dans un endroit qu'on ne connaît pas, on cherche à se renseigner, de se documenter un peu, en lui parlant de notre voyage, il a accroché, il a trouvé ça plutôt sympathique, il nous a trouvé sympathiques apparemment puisqu'il nous a proposé de rester dormir chez lui le temps de notre séjour à Chicago, c'est à dire 5 jours à l'aller et 4 jours au retour. On est arrivé chez lui, il nous a hébergé. Et là, on a eu une chance incroyable car ce gars là, il connaît Chicago comme sa poche, tous les endroits un peu underground, donc, on a fait une visite de Chicago tout sauf touristique ! On a vu beaucoup chose qu'on aurait jamais pu voir si n'était pas tombé sur un gars comme ça. D'ailleurs, on lui a émis l'idée d'écrire un guide sur Chicago, un guide parallèle, le guide underground. Et ça lui plaisait bien, il trouvait ça rigolo et c'est vrai qu'il avait pas mal de choses à dire là dessus !

Mathias: idem pour les magasins de pizza ! il y avait deux magasins de la même enseigne et il savait dans lequel il fallait aller parce que les prix étaient moins chers et que la pâte était plus épaisse !

Laurent: oui, il y en avait un grand et il nous a dit: non, non, il ne faut pas aller là, on va aller dans un autre endroit où c'est exactement la même chose mais c'est beaucoup moins cher parce que ce n'est pas touristique, donc, on est allé dans le quartier italien et là, il nous a emmené dans le bon resto. Il nous a emmené au Green Mill (4802 N Broadway) qui est un club de jazz, c'était notre dernier soir à Chicago, une soirée mémorable !

Jocelyn: C'était au retour ?

Green Mill, Chicago Laurent: oui, le Green Mill, c'est un vieux club de jazz des années 20/30. Le patron aime à dire que c'était le repère d'Al Capone à l'époque. Il y était tout le temps. Ca a gardé l'esprit des années 20/30. C'est vraiment un bon endroit, le cadre est resté authentique, à l'identique des années 20, pour la musique: pareil, c'est vraiment classe !

Jocelyn: on y trouve quel public ?

Laurent: c'est blanc, il n'y a pas de noirs ou très peu.

Jocelyn: vous y avez joué ?

Laurent: non. Le soir où on y est allé, c'était une grosse formation jazz de 17 musiciens qui était sur scène dont les trois quarts de cuivres. Tout le monde danse le rock, tout le monde s'habille en fonction du style qui passe, avec des two tones etc. Les gens sont investis, ça, ça nous a vraiment plu !

Mathias: c'était un swing band, on voulait voir ce que c'était qu'un swing band. C'était la grosse formation qui swingue…

Laurent: c'était bien dans l'esprit, il y avait une chanteuse qui avait un peu le timbre de voix d'Ella fitzgerald avec la section rythmique derrière, c'était vraiment excellent ! Là, on s'est vraiment amusé… Et puis, à un moment, Mike, il nous dit: on bouge et il nous emmène dans un club sado-maso ! On a vu un mec se faire fouetter et se faire couler de la cire jusqu'au sang, c'était impressionnant ! et tout le monde danse en se frottant. Donc, tu vois, il nous a emmené d'un endroit hyper classe à l'endroit le plus glauque que l'on puisse trouver… c'était rigolo.

Buddy Guy's Legends Jocelyn: vous avez fait d'autres clubs de blues à Chicago ?

Mathias: avant d'arriver au réservation blues, le premier truc qu'on a fait, on est allé au Legends, le club de Buddy Guy.

Laurent: on y est resté dix minutes, ça ne nous a pas plu. Il faisait froid, c'était vraiment pas terrible…

Mathias: après, comme on a vraiment sympathisé avec les gars, on a préféré passer les soirées avec eux que d'aller dans les clubs de blues.

Jocelyn: donc, en neuf jours, vous n'avez pas fait beaucoup de clubs finalement ?

Mathias: non

Laurent: au départ, le voyage était orienté très musical et finalement, on s'est rendu compte avec le temps qui passait que c'était plus un voyage relationnel et humain. On a passé plus de temps à discuter avec les gens, à vivre avec eux, à ce qu'ils nous montrent la ville dans laquelle on était plutôt que d'écouter réellement des concerts de blues. Maintenant, le soir, on avait toujours cet objectif d'aller dans un club de blues. Mais, il y avait des soirs où on restait avec les gens qui nous hébergeaient et qui nous présentaient leurs amis et on a passé pas mal de soirées comme ça. C'était tout aussi bien.

tour Sears Jocelyn: avez vous fait un peu de tourisme à Chicago ?

Laurent: on est monté en au sommet de la tour Sears

Mathias: toujours avec Mike qui connaît tous les filons: au lieu d'aller au dernier étage, on est allé à l'avant dernier étage parce qu'on a la même vue qu'au dernier étage et en plus, on ne paye pas.

Laurent: On a pris un ascenseur annexe parce que l'ascenseur réservé aux touristes, il est payant. C'était marrant parce qu'en arrivant au pied de cette tour, il y avait un concert en plein air et c'était Eddy Burns qui jouait: c'était excellent ! Donc, on est resté vingt minutes à l'écouter avant de monter…

Mathias: c'était en plein soleil !

Jocelyn: il jouait seul ou en groupe ?

Mathias: ils étaient quatre

Jocelyn: sinon, vous avez visité les studios chess ?

Laurent: oui, on a été un peu déçu mais c'est parce que nous, on voulait voir les studios, je m'attendais à voir le vieux matériel, les vieux amplis, je m'attendais à retrouver l'endroit à l'identique mais tout a été refait, il y a du placo partout, ça fait un peu clinique ! ça fait musée moderne.

Mathias: ça fait un peu touriste, on ne parle plus des techniques d'enregistrement, du matériel…

Jocelyn: c'est surtout commercial, le but étant de t'amener dans la boutique et de te vendre des gadgets !

Laurent: surtout de récupérer de l'argent pour la fondation. Mais ça ne retire rien au fait que aller dans les studios chess, tu as mis ton pied à l'endroit exact où Muddy Waters avait mis le sien et moi, ça me fait toujours flipper ce genre de truc. J'aime bien aller dans des endroits où je sais qu'il y a des légendes qui y sont passé. Tu sens qu'il y a un vécu même si là, tu ne le sens pas car c'est très aseptisé, tu sais qu'il y a eu des enregistrements fabuleux, on a été dans des pièces mythiques même si ça n'a plus rien à voir. Ils nous ont quand même montré une pièce qui n'était pas encore rénovée où il y avait tous les vieux enregistrements, des vieilles bandes avec des noms écrits avec l'écriture de l'époque, des années 50; ça c'était quand même impressionnant ! c'était une armoire juste fermée avec une petite clé, elle n'était pas coupe-feu, j'imagine que s'il y avait le feu, tout brulerait ! A un moment, il y avait un fly de contrebasse qui trainait par terre, et il nous ont dit que c'était un fly de la contrebasse de Willy Dixon; c'est un truc à exposer ! Mais bon, maintenant, nous étant européens et fans de blues, on fantasme beaucoup là dessus alors que eux s'en foutent un peu.
Studios Chess, Chicago

Mathias: d'ailleurs, quand on y est allé, il n'y avait personne…

Laurent: et puis moi, je m'attendais à voir plein d'objets, des photos dans tous les coins, à en prendre plein la vue. Mais non, c'est des murs blancs avec un cadre par ci par là, un costume qui a été mis sous cadre mais ce n'est pas le bordel, c'est trop bien rangé…

Mathias: mais il y a beaucoup de photos

Laurent: et puis, il y a par exemple un truc qui m'a déçu, tu connais le livre de photos "Etats du blues" ?

Jocelyn: oui…

Laurent: sur les murs de CHESS, il y a les photos du livre "Etats du blues", ce n'est pas du tout d'époque ! ce sont de belles photos mais je m'attendais plutôt à voir des photos d'époque, des enregistrements de l'époque. Il n'y a pas de bande sonore pendant la visite. Le côté historique, il est un peu mis de côté au profit de la fondation … ce qui est normal aussi.

Jocelyn: c'est typique de Chicago, c'est toujours le côté commercial qui prend le dessus !

le checkerboard lounge Mathias: tu vois, après avoir fait le "réservation blues", on s'est dit s'il faut faire les autres clubs comme le "Blue Chicago" et autres, on s'est dit on va tomber dans les mêmes plans, on va voir les mêmes gueules, ça va être une clientèle de blancs qui va bouffer et qui ne va pas écouter. Comme on avait la chance d'avoir des amis et qu'on passait des super soirées, on s'est dit que ce n'était pas grave de ne pas aller dans les clubs compte tenu de ce côté commercial et touristique. Et puis, on s'est dit, ce n'est pas grave si on ne fait pas les clubs à l'aller, on les fera au retour et puis au retour, on a eu autre chose à faire comme le Green Mill et ainsi de suite.

Laurent: c'est vrai qu'à Chicago, on a rien fait de ce qu'on avait prévu à part le Checkerboard et deux trois trucs, mais les gens qu'on a rencontré là bas étaient tellement intéressants, tellement gentils, que franchement, si c'était à refaire, je ne retournerais toujours pas au Buddy Guy's Legends où on est resté que dix minutes.


Mathias: et en plus, il n'y avait pas une super affiche, tu sais, le groupe qu'on voulait absolument voir. L'été, beaucoup de vedettes sont en europe.

Laurent: il n'y avait pas beaucoup de vedette, c'est vrai mais d'un autre côté, tous les soirs, tu as dix groupes locaux de blues qui jouent et dans ces dix là, c'est sûr qu'il y en a qui sont franchement excellents mais comme on ne les connaît pas, on n'a pas eu l'idée d'aller les voir. Donc, on est passé à côté de plein de trucs…

Mathias: Chicago, ça reste pour moi un super souvenir… Comme sur Milwaukee avenue, tu peux te balader dans les rues, tu as une ambiance…

Laurent: moi, j'ai adoré cette ville. Tu cherches des fringues un peu spéciales, tu as le quartier de fripes où tu les trouves, si tu cherches le quartier où tu as de vieux instruments de musique, les pan shop où ils vendent les guitares, les vintages et tout, il y a une rue où il y a 4 ou 5 magasins.

Jocelyn: c'était dans Chicago même ?

Mathias: oui, c'était pas loin de la Milwaukee, c'est Mike qui nous avait fait un plan avec tous les magasins de fringues, de guitares etc…
Milwaukee avenue, Chicago


route 66 Laurent: en fait, tous ces magasins, ils sont minuscules, il faut vraiment connaître, c'est du bouche à oreille, il n'y a pas de pub, mais ceci dit, tu as des magasins avec de vieilles guitares, que tu sois guitariste ou non, c'est un plaisir d'aller là parce que tu vois que ce sont des guitares d'exception, des vieilles marques, des modèles assez rares, rien que pour ça, ça vaut le coup d'aller voir !

Jocelyn: vous avez pris la route 66 ?

Laurent: la route 66, on l'a prise de Chicago à Saint Louis.

Jocelyn: vous n'avez pas été trop déçu ?

Laurent: les trois quarts du temps, elle est à côté de l'highway mais il y a les panneaux "route 66" sur le bord de la route qui font toujours plaisir à voir. Ceci dit, tu as quand même pas mal de stations service et puis il y a le fameux Country Classic Car de Staunton avec plus de 500 voitures anciennes qui sont toutes à vendre dans des états variables mais ça, c'était vraiment impressionnant, on y est resté trois heures, c'est fou !

Mathias: c'est marrant, c'est qu'on a fait le tour en bagnole et à chaque fois, on descendait pour faire un photo.

Jocelyn: vous êtes allé au Mustang Corral à Edwardsville ?
Mathias: non…

Jocelyn: c'est une casse où il n'y a que des Mustang, elles sont vraiment en mauvais état; c'est pas loin de Saint Louis…

Laurent: tu connais la revue "Nitro" ?

Jocelyn: j'en ai entendu parler…
Country Classic Car Country Classic Car

Laurent: c'est la revue de la voiture américaine en France, moi, j'y suis abonné et ils parlaient de cette casse, le Mustang Corral. Mais, il n'y a pas à dire, une 4L pourrie dans une casse en France ça n'a pas le même charme qu'une chevrolet pourrie dans une casse américaine, ça a une autre gueule ! Tu as presque envie d'acheter la chevrolet pourrie alors que la 4L, tu ne l'achèterais pas. Les voitures américaines, on aime ou aime pas, pour moi, ce sont des œuvres d'art !

Jocelyn: Vous êtes ensuite allés à Saint Louis, comment ça s'est passé là bas ?

Mathias : on a fait qu'un seul quartier. On est allé aux clubs que tu as indiqué dans ton site; on est allé au BB's Jazz, Blues & Soups. On a passé deux nuits à dormir dans la rue à Soulard. On a joué à deux au "Grizzly bear". C'était des soirées "jam session". J'ai chanté en Français tout le temps. Soulard, c'est blanc, c'est propre, ce n'est pas touristique car pour faire du tourisme à Saint Louis, il faut le vouloir !

Laurent: on n'est pas allé à East Saint Louis. Mais, on a eu du mal à Saint Louis, d'entrée, car le premier soir quand est arrivé, on ne savait pas quelle sortie prendre car on n'avait pas la carte et il faisait nuit.

Stincky Lou and the goon Mat à Saint Louis Mathias: Ah oui, ça c'était une expérience ! on a vu une sortie "grand boulevard" on s'est dit, ça sonne super bien en Français, on est sorti là, tu passes devant l'université et après tu vas toujours tout droit et à un moment tu remarques que le quartier se dégrade. On s'est dit houlala, on n'est pas dans le super quartier ! un moment, on s'est dit, allez, on fait demi-tour, on va rattraper la highway, et puis à un moment, tu as deux bagnoles, tu sais les grosses chevrolet ou cadillac bien longues avec du rap à fond qui nous croisent et qui se mettent juste devant nous, tu vois quatre blacks dans chaque bagnole avec les bandanas, musique à fond et vitres ouvertes, des bagnoles bien longues, et là, je ne l'avais pas dit à Laurent, mais, dans ma tête, je me suis dit "ça y est, c'est bon, on est braqué, on n'en parle plus". Et les bagnoles se mettent devant nous et commencent à ralentir et tu vois les gars dans les deux bagnoles qui se parlent ensemble et d'un coup, ils ont filé, on n'a plus rien vu et nous, on était là tout tremblants. On s'est barré, on a pris la highway, on a vu un camping, on s'est arrêté. On avait le trouillomètre à zéro, on se regardait, on était comme ça, franchement, j'ai vraiment cru qu'on était bons, parce qu'en France, on est vachement influencé, on se dit les gars, ils vont sortir un flingue parce qu'en plus, on avait une plaque Québec, donc ils savaient qu'on était étrangers.


Jocelyn: et le Colorado ?

Mathias: on n'a fait que traverser mais on a passé une sacrée soirée là bas. On y a retrouvé notre copain David (de Montréal) à Denver qui venait passer quelques jours avec nous. Et on a eu la chance de tomber en panne dans le Colorado. On a arrêté quelqu'un, ils nous ont aidé et après ils nous ont invité. En fait, au départ, il y avait deux mecs qui arrêtent une voiture avec une femme dedans, elle s'est arrêté un peu inquiète quand même, et après, elle a appelé son mari qui s'y connaissait un peu en mécanique. Ils nous ont amené jusqu'à un garage, le garage était fermé. Ils nous ont invité le soir au restaurant,. c'était l'anniversaire de leur gamin, c'était leur repas de famille, ils nous ont tout payé. D'ailleurs, le gamin, il a eu une guitare comme cadeau d'anniversaire. Le lendemain, on est allé au garage et ça s'est bien passé.

Jocelyn: ça ne s'est pas toujours aussi bien passé ?

Mathias: oui, on a eu une autre panne à Phoenix. On s'est fait avoir, une pièce qui coûtait 15 dollars, on l'a payé 400 dollars, et on a dû payer en liquide, sans facture; donc, on a râlé un petit peu. Et encore, au début, c'était 450 dollars, on a dit qu'on avait que 400. On s'est fait arnaquer. A un moment, il parlait avec son patron, on entendait et il disait: ça y est, je l'ai eu ou quelque chose comme ça. Le gars, c'était un voleur…

Laurent: c'est la seule galère qu'on a eu.

Mathias: par contre dans le Colorado, on a traversé les rocheuses avec le van, je t'assure que parfois on roulait à 20km/h tellement ça monte et ça tourne, et on s'est arrêté dans une petite ville qui s'appelle Silver Edge. On est allé dans un café, on a commencé à sympathiser avec tout le monde et on est tombé sur un gars qui s'appelait Will. Au début, on lui a dit qu'on dormait dans le van, il nous a dit, si vous voulez prendre une douche, vous pouvez venir chez moi et ainsi de suite. On est allé chez lui il avait amené des copains et là, on a commencé à jouer sur la terrasse à deux et il y a même un gars qui nous a offert un billet de 20 dollars !
Le gars, il avait une super baraque, il avait tout construit de ses mains. Le gars était super sympa. Tu vois, on aurait jamais pensé un jour atterrir à Silver Edge, passer une soirée avec ce gars là, c'était vraiment génial !
Après, on a fait la visite des parcs nationaux, grand canyon, monument valley etc…
Laurent et Mathias
la route

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