Interview - Stincky Lou and the goon Mat aux USA (1/2) | Interview - Stincky Lou and the goon Mat aux USA (2/2) |


Stincky Lou and the goon Mat aux USA (2/2)

Jocelyn: ensuite, vous êtes allé à Las Vegas ?

Mathias: oui, on est allé à Las Vegas.

Jocelyn: vous n'y êtes pas resté longtemps ?

Mathias: non, deux soirs. En fait, on y est arrivé de nuit; ça c'est génial ! tu sais, sur la route, tu montes, il fait noir et à un moment, tu redescends et il y a de la lumière partout.

Laurent: Tu te la prends dans la gueule d'un coup ! Ce qu'il y a, c'est que quand tu es à 150 km de Las Vegas, c'est le noir complet, c'est en plein milieu du désert, tu vois au fond, tu arrives à deviner des montagnes et derrière les montagnes, tu as l'impression qu'il y a un coucher de soleil, tu vois que c'est lumineux, tu te dis à 150 km que c'est les lumières de Las Vegas. Donc, quand tu franchis les montagnes et que tu arrives au sommet et que tu te prends d'un seul coup, d'un seul un océan de lumière, tu passes du noir complet à la lumière, c'était un moment très très impressionnant !

Mathias: tout le monde le dit, Las Vegas, il faut y arriver de nuit. Par contre, on a fait deux soirées à Las Vegas, tu as l'ancien Las Vegas et le nouveau Las Vegas. Le nouveau Las Vegas, c'est vraiment Disneyland, les casinos, c'est du décor, il y a le Paris, le New York ainsi de suite, c'est vraiment laid, il n'y a rien à faire, il n'y a que des gros avec leurs enfants qui viennent balancer des jetons, ce n'est pas l'image que j'avais de Las Vegas. Je voulais me taper un trip genre Las Vegas parano. Bon, le lendemain, on est allé dans le vieux Las Vegas, c'est piéton, il y a des enseignes partout, et là, on a pu se taper une bonne petite soirée bien délire dans l'esprit Las Vegas. Et après, on est parti à San Francisco.

Jocelyn: parlez moi un peu de la Californie.

Mathias: Tu sais, on joue west coast, alors obligatoirement, la Californie, on a en envie d'y aller et voir Kid Ramos, Lynwood slim, Junior Watson ou Rick Holmstrom !

le saloon Jocelyn: tu les as vu ?

Mathias: non, je ne les ai pas vu.

Laurent: c'était la mauvaise période.

Mathias: Mais on a vu 2000 Lbs of blues. Mon but au départ, c'était d'aller en Californie. Le deal, avec Laurent, c'était que lui, il voulait faire le Mississippi, je le suivais, moi, je voulais faire la Californie, il me suivait. Donc, on s'est pointé à San Francisco début août, et on n'a pas vu grand chose. Je sais que tu y es allé, j'ai lu ton article dans Jocelyn, et tu as vu beaucoup plus de choses que je n'en ai vu moi-même. Nous, on a passé cinq soirées au saloon. On a vu Johnny Nitro, on a vu Charles Wheal, avec qui j'ai joué. A San Francisco, on est resté six jours, on a rencontré des gens, on a fait la fête tous les soirs, on a fait pas mal de clubs, le Boom Boom Room, le Blue Lamp mais tous les soirs, on a fini au saloon, il y avait toujours une super ambiance !

Jocelyn: êtes vous allé à Oakland ?

Mathias: obligatoirement, quand tu es musicien et que tu vas aux Etats Unis, tu cherches des fringues parce que c'est des trucs que tu ne trouves pas ici. Marc Thijs m'avait donné l'adresse d'un magasin de costards, il m'a dit: tout le monde achète ses costards là. Donc, quand tu es dans la boutique, tu vois des photos de Little Charlie & the nightcats, des photos de Rusty Zinn, de Junior Watson et en fait j'y suis allé surtout pour voir surtout que Marc m'avait dit qu'il y avait un super magasin de chaussures à côté, comme je voulais me trouver des two tones, et puis à peine arrivé, le gars, il commence à me regarder, il me dit: toi, tu fais du 50 en veste, il me demande: c'est quoi ta couleur ? j'ai eu le malheur de dire gris et il a commencé à se pointer avec un costume et il me le montre: "si, si, vas y essayes le !" J'étais partis pour rien du tout. J'ai commencé à mettre la veste, il a commencé à le retoucher derrière, "essayes le pantalon, vas y !". J'ai mis le pantalon et quand tu te vois avec ce costard comme ça, tu te dis, "ça le fait !" Du coup, j'ai acheté le costard, une chemise, des cravates… bon, je ne le regrette pas…

Jocelyn: elle s'appelle comment la boutique ?

Mathias: H. Jones, c'est vraiment sympa.

Jocelyn: c'est dans le centre d'Oakland ?

Mathias: oui, je crois que c'est sur Broadway. C'est clair qu'aux Etats Unis, tu peux t'habiller super classe. Et tu as plein de gars dans les rues qui sont habillés avec un costard two tones et avec un beau chapeau. Ici, on marcherait dans la rue avec des two tones, je l'ai déjà fait, on te regarde bizarre alors que là bas, ça fait vraiment classe.

Ivy room Laurent: c'est vrai, là bas, où que tu ailles, j'ai trouvé des chemises que je ne trouverais pas ici et quand tu te balade avec là bas, tu te sens à l'aise parce que tu ne te sens pas dévisagé. Une fois que tu arrive ici et que tu t'habilles de la même manière, tu sens qu'on te prend pour un rigolo, pour un mec déguisé. C'est un peu frustrant car tu te sens bien dans ces fringues en fait.

Jocelyn: à Oakland, vous êtes allé dans des clubs ?

Mathias: non, on n'a pas trouvé de club, on est juste passé. Tu vois déjà qu'entre Oakland et San Francisco, il y a une différence, tu arrives dans la banlieue noire… Moi, ça me dirait bien de retourner à Oakland et d'y passer quelques soirées. A mon avis, ça doit être sympa. Sinon, on est allé à l'Ivy Room à Albany, là où il y a souvent Rusty Zinn mais il n'était pas là ce soir là. Sur San Francisco et Oakland, je trouve qu'il n'y a pas trop de clubs de touristes mine de rien, peut être le boom boom et Biscuit & Blues. On est allé au Blue Lamp, c'est pas blues, blues, mais il y a souvent RJ Misho. Bref, à San Francisco, on a toujours terminé au saloon. Là, c'est blues, 7 jours sur 7.

Laurent: et puis on se sentait bien au saloon.

Mathias: il y a de l'ambiance, les gens dansent vachement là dedans, c'est vraiment festif, on a bien aimé. Nous, on a dansé tous les soirs. Donc, après, on s'est barré et on est allé à Los Angeles et s'il y a bien 4 jours à ne pas retenir de ce voyage, ce sont les 4 jours à Los Angeles.


Jocelyn: expliques moi…

Mathias: les gens sont immondes, moi, j'ai tapé le boeuf très difficilement, tu avais de la compétition tout le temps, les gens ne t'aidaient pas. Tu vois, on avais acheté un van et la seule fois où on a dormi quatre nuits de suite dans le van, c'était là. A un moment, on était sur les plages style "alerte à Malibu" et avec Laurent, on se disait, on pue, ce n'est pas possible, il faut qu'on se douche et on est allé se doucher sur la plage avec le gel douche ! (rires)
ce qui ne nous était jamais arrivé !! J'ai pu faire le boeuf avec un batteur qui s'appelle Max Bangwell, qui a joué avec Larry Taylor, j'ai dû aller le voir quatre fois pour qu'à la fin, il me dise "allez, vas y si tu veux" , il faut batailler. A Los Angeles, tu as trois gros clubs, le Boogaloo cafe, le Sherman Oaks et le Cozy bar grill. Sans déconner, j'ai vu les "2000 Lbs of blues" là dedans à cinq heures de l'après midi, tu avais dix personnes dans la salle. Je suis allé voir les gars. Je leurs ai demandé: "est ce que ça va ?" ils m'ont dit: "on fait notre boulot." Tu entendais plus des bruits d'assiettes que le public, pourtant, ce sont des clubs super connus, mais en même temps, tu as l'impression que c'est surtout commercial. Moi, si j'avais une scène à retenir, musicalement parlant, c'est Austin !

Jocelyn: il y a beaucoup de bars ?

Mathias: oui, tu as beaucoup de bars. Mais là, à la limite, je n'ai pas écouté de blues à Austin. Par exemple, on a passé une soirée avec Calvin Russell. C'était affolant. Pourtant, il était à Cahors et d'après ce que j'ai entendu, ce n'était pas terrible, et là lui, il nous a émerveillé et puis on a vu beaucoup de country; la country, c'est sympa aussi. Austin, même si ça a bien descendu, ça reste une bonne scène musicale, pas seulement pour le blues, je dirais de musiques américaines.

Mathias et Laurent avec Calvin Russell Jocelyn: si tu n'y as vu de blues, ça veut dire qu'il n'y en a pas beaucoup ?

Mathias: tu en as, mais il faut que tu cherches. Il y a un club à Austin qui s'appelle le continental club et là c'est quatorze concerts par semaine, tu as le happy hour, le vendredi, tu as trois concerts. C'était la première fois que je voyais des bingo concerts de blues; tu sais, chacun va chercher sa grille de bingo, tu as le groupe qui fait trois morceaux, tu as la bingo girl qui donne un chiffre, toi, tu fais ton bingo, tu as le groupe qui joue, après tu as le groupe qui te file des cadeaux, c'est hallucinant ! Tu vois, Calvin Russell, on l'a vu en première partie.

Jocelyn: à la limite, il est plus connu en France qu'à Austin.

Mathias: c'est exactement ça !

Jocelyn: le petit plus d'Austin, c'est quoi ?

Mathias: tu as quand même plein de clubs. Tu as un club qui s'appelle le 301 et qui est réputé pour être le club de blues, moi j'ai joué là dedans avec seulement quatre personnes dans la salle. Pour moi, la grande force d'Austin, c'est la quatrième et la sixième rue, c'est club sur club sur club !!! tu as un club techno à côté d'un club de funk à côté d'un club de hard à côté d'un club de blues. Et les gens se baladent, les rues sont piétonnes. Austin, c'est le genre de ville où tu ne couche pas, ça bouge tout le temps ! mais le petit plus d'Austin, c'est que tu as les plus belles filles des Etats-Unis ;-)

Jocelyn: vous êtes resté combien de temps à Austin ?

Laurent: six jours mais il faut y rester plus longtemps. C'est un bel endroit.

Jocelyn: Au Texas, êtes vous allé à San Antonio, Houston, Beaumont, Port Arthur ?

Mathias: non, c'était sur la fin du voyage, on était à la bourre, on a fait que Austin.

Laurent: on a fait surtout le continental club…

Mathias: non, on a fait quelques clubs;

Jocelyn: tu me parlais de la 6ème rue en disant que ça dépendais de l'âge ?

Mathias: en fait, tu as deux rues où il faut aller à Austin, où tout est concentré. Il y a la 6ème rue où c'est plus jeune, genre 20 ans; dans la 4ème rue, les gens ont plus la trentaine, ou plus.

Laurent: ce n'est pas le même esprit, c'est plus étudiant dans la 6ème.

Mathias: et le continental, c'est un peu en retrait: après le centre, tu passes la rivière, et plus loin il y a le continental.
Congress avenue, Austin
continental club


Jocelyn: et le Antone's, il est où ?

Mathias: sur la 6ème rue. On y est passé. Il n'y avait rien en programmation. J'y étais déjà passé il y a quatre ans, l'esprit n'y est plus, c'est devenu surtout commercial. Clifford est en prison maintenant ?

la route avec le van Jocelyn: vous avez traversé l'Arizona. Y avez vous vu des choses intéressantes ?

Mathias: En Arizona, c'est Marc Thijs qui nous avait conseillé d'aller au Congress hôtel, à Tucson; comme c'était sur la route, on y est allé. C'est un vieil hôtel vachement influencé années 40. Tous les soirs, tu as des concerts, ce n'est pas un endroit blues, une fois dans la semaine, il y a un DJ et une soirée "dance", malheureusement, on est tombé ce soir là. Mais l'hôtel est terrible, tu as de superbe cartes postales, il faut voir ça…

Laurent: c'est marrant, parce Tucson, c'est une toute petite ville. Quand tu arrives là dans la journée, tu as l'impression qu'il n'y a rien et quand tu vas au congress hôtel le soir, c'est bourré de jeunes et ce qui est marrant aussi, c'est qu'il y a vraiment un équilibre filles/garçons alors que chez nous, surtout dans les concerts de blues, tu as peu de femmes; là bas, il y a beaucoup de filles.

Jocelyn: C'est une ville étudiante ?

Mathias: oui. Et juste à côté, il y a un magasin de musique, le "Chicago store", c'est affolant, il y en a partout, c'est une sorte de grenier géant, c'est pourri, c'est le bordel. Pour aller voir les contrebasses, tu es obligé de prendre un petit escalier, tu es obliger de passer une perruche, tu es obliger de pousser des trucs pour aller voir dans le fond ce qui traîne… Tu as de vieille guitares, un peu pourries certes... Ah ce magasin, il faut vraiment aller le voir !

Jocelyn: tu y as acheté quelque chose ?

Mathias: non, là, je n'ai rien trouvé…

Laurent: moi, j'y ai acheté un micro pour la contrebassine un AKG pour 150 dollars et qui vaut facilement le double ici et je l'ai perdu dès que je suis revenu !

Jocelyn: vous êtes allé à Phoenix ?

Mathias: oui, on y est allé, on avait des adresses de clubs. Tout le monde nous disait: pour le blues, il faut aller au sugar daddy. On ne savait pas ce que c'était ni où c'était. Et puis, un moment, on roulait et on est passé devant un endroit où il y avait un monde pas possible, plein de jeunes, c'était super grand, des terrasses immenses avec plein de gens. Je regarde comme ça et je vois "Sugar Daddy" ! c'était la première fois que je voyais une boite blues ! ça me fait penser à certaines boites en Belgique sauf que là, c'était blues ! Tu avais plein de salles et au milieu, il y a un groupe qui joue, et c'est repris dans toutes les salles où tu vas. Et il n'y a que des jeunes !

Jocelyn: c'était un groupe local qui jouait ?

Mathias: oui, c'était des musiciens locaux; et là par contre, il y avait 80 % de filles !

Laurent: oui, 80 % de filles et que des canons, c'était american pie ! c'était incroyable, j'hallucinais… D'ailleurs, c'est le seul soir où on a parlé avec personne tellement on est resté là à regarder les filles passer !

Mathias: oui, l'Arizona, c'est sympa.

Jocelyn: et la Louisiane ?

Laurent: on est arrivé par Baton Rouge. On a cherché le Tabby's Blues Box. On est arrivé là, c'était un soir de jam. Donc, Mathias a joué avec Tabby qui était au piano et au chant; c'était vraiment bien ! Après, il nous a parlé pendant un heure de son fils, il est très fier de son fils.

Jocelyn: pour le film "oh brother" ou pour les disques ?

Laurent: on a surtout parlé du film…

Mathias: il a aussi parlé des disques. Il disait que son fils, c'était un prodige, qu'il avait tout compris, qu'il savait tout faire etc…

Laurent: il est fier de son fils, c'est normal.

Jocelyn: et l'ambiance dans le nouveau Tabby's Blues Box ?
capitole de Louisiane, Baton Rouge


Laurent: ce n'était pas la grosse ambiance, il n'y avait pas grand monde. Mais on y a rencontré un hindou, j'ai passé toute la soirée avec lui. Après, il nous a invité à dormir chez lui et pour finir, on est resté à dormir dans le camion car il habitait dans un squat avec des rats et des cafards partout.

Mathias: le matin, on est quand même allé prendre la douche chez lui, enfin, ce n'était pas vraiment chez lui, c'était une ancienne usine…

Laurent: plutôt des vieux bureaux, et on a pris la douche dans les sanitaires des bureaux.

Mathias: il n'y avait que de l'eau froide…

Laurent: mais c'était plutôt rigolo !

Mathias: sinon, on est allé dans un autre club à Baton Rouge, c'était sympa. Sinon, Baton Rouge, c'est un peu mort, il n'y a pas grand chose à faire.

quartier Français, Nouvelle Orleans Jocelyn: et la Nouvelle Orléans ?

[silence]

Jocelyn: rien de très mémorable ?

Laurent: non, on est allé dans 2 ou 3 clubs en dehors du quartier français, il n'y avait rien de programmé, il n'y avait pas de blues. Et puis, dans le quartier français, on a été complètement déçu. On y allait aussi pour manger des écrevisses, des trucs comme ça et on n'a rien trouvé, ce n'était pas la période, ce n'était pas la saison, on a été un peu déçu. Et puis au niveau musical, c'était vraiment triste, Bourbon street notamment, très peu de blues…

Mathias: on a fait deux soirées, la première, on s'est cassé assez rapidement car on n'a pas accroché et on était fatigué et on s'est dit que le lendemain, on allait faire Bourbon street la nuit, que ça allait être marrant. Le lendemain en fait, on a fait tous les clubs, on a surtout picolé. Nous, on a été assez déçus au niveau musical.

Laurent: et puis moi, je sentais arriver le Mississippi, et j'étais pressé d'y aller…

Jocelyn: donc, vous n'avez pas fait long feu en Louisiane ?


Laurent: non. Le problème, c'est que pendant tout le voyage, tous les gens à qui on a parlé nous ont dit "vous allez prendre une claque à la Nouvelle Orléans, c'est festif, c'est vraiment bien !"
Donc, on s'attendait à un truc incroyable, et toujours dans ces cas là, on est déçu.

Mathias: c'était pendant le mois d'août, et aussi étonnant que ça puisse paraître, il paraît que c'est la période où il y a le moins de touristes, il fait tellement chaud en août que c'est le mois que tout le monde évite. C'est con, on est peut être passé à côté d'un truc. Mais, j'ai trouvé une belle silvertone, c'est déjà sympa.

Laurent: et j'ai ramené trois washboards.

Mathias: sinon, on a trouvé un quartier sympa à la Nouvelle Orléans, quand tu sors un peu, il y a une rue avec que des antiquaires, vraiment sympa avec une ambiance…On a fait tous les antiquaires pour trouver des washboards.

Laurent: ce n'est pas du tout dans le centre, il y a des maisons avec des vieux balcons en fer forgé, c'est un peu délabré, ça reste dans le jus ! Moi, j'ai beaucoup aimé cette rue là avec des antiquités partout. Au départ, on a cherché des washboards dans les magasins de musique, il nous ont dit non ou alors on a trouvé des washboards avec les bretelles, tu sais, nous, on voulait le vrai washboard en bois qui servait à laver, on nous a dit "vous trouverez ça chez les antiquaires". Et, c'est ce qui s'est passé.

Mathias: tu en as trouvé des beaux, un numéroté avec marqué dessus "Chicago-Memphis"…

Jocelyn: vous avez vu d'autres endroits en Louisiane ?

Mathias: pas vraiment, mais la Louisiane, c'est vachement beau. Après, on est allé dans un club qui s'appelle le "Gator bar" entre New Orleans et Baton Rouge. C'est sympa, c'est à côté d'un bayou et il y a une chouette ambiance, il y a des étudiants. On était tombé sur un concert avec deux guitaristes folk-blues … mais l'endroit est super sympathique, c'est que de la tôle, tu n'as pas l'impression qu'il y a un club là dedans ! Dans ce café, toutes les personnes qui y vont marquent leur nom sur un billet, pour l'afficher. Nous, on a fait un billet avec Stincky Lou and the goon Mat ! Tu vois en plus, on arrivait à la fin du voyage, on commençait à être crevés et on avait vécu quelque chose de tellement fort à Austin que la Louisiane, ça nous a paru un peu fade.

Jocelyn: tout le contraire du Mississippi…
Mathias et Laurent au Gator bar
Blue Front Cafe, Bentonia Mathias: Pendant 5 jours, on était les seuls blancs ! Tous les soirs, on allait dans les clubs avec notre grosse appréhension, avec les genoux qui tremblaient, en se disant: on va franchir la porte, qu'est ce qu'on va trouver derrière ? Tu as beau dire, tu as quand même le regard, les gars te regardent. On y est allé, la première chose qu'on leur a dit "on est des fans de blues, on cherche les juke-joints, est ce que vous savez où il y a des concerts" et les gars, dès qu'on leur disait ça, c'était ok, viens, etc. On est allé à l'Ebony club, à Indianola, à la fin, Mary Shepard nous a filé le livre "la route du blues" en français et j'ai dû m'amuser pendant une demi heure à traduire ce qui était écrit sur elle. Il y a un truc que je voudrais souligner: on a passé 5 jours dans le Mississippi et s'il y a bien un endroit où on a été accueilli comme des rois, c'est là !

Laurent: on est arrivé au "blue front café" à Bentonia en demandant: est ce qu'il y a un concert ce week end ? on était vendredi soir. Le gars, il nous regarde en rigolant et il nous dit: "non non, le prochain concert, c'est dans trois mois, tu as le temps !"
Mathias: Et après, on a discuté et Laurent a dit que je jouais de la guitare et le gars me dit "j'ai un ampli" l'ampli, je croyais que c'était un radiateur !

Laurent: je te jure !!! les gens sur scène ici en Europe essayent d'avoir un son sale, on aura beau faire ce qu'on veut, on n'aura jamais le son sale qu'il y avait au "blue front café", il était pourri, il était mort l'ampli, il grésillait.

Mathias: il marchait toutes les dix secondes, toutes les dix secondes, il faisait Scrachhhh, Scrachhhh. Tu vois, le serveur, il avait trois personnes dans son club et il me dit "vas chercher ta guitare, vas y", on y va ! Je me suis retrouvé au font du Blue front café, tout tremblant ;-), avec que des noirs autour et ils te regardent, alors je commence à jouer "delta" comme on le fait dans "stincky Lou & the goon Mat", et il y a un gars qui arrive avec un harmonica et qui commence à jouer, puis un autre qui commence à chanter et après, il me regarde et il me dit "eh, tu viens de où ?", je lui répond "je viens de France" - "On joue du blues, en France ?" On est resté une heure et demi la dedans à jouer. On était allé à Greenville dans l'après midi et puis on avait rien trouvé car on avait pas vraiment osé et un gars du blue front café nous a refilé des adresses à Greenville et on y est retourné beaucoup plus sereins. On était allé dans un club à Greenville, une daube à deux balles, un club de blues où il n'y avait que des blancs, c'était. Moi, j'appelle ça du blues variét', le gars il fait son solo de guitare, l'autre chante et il ne se passe rien; les gens tapent du pied et on est content ! Mais, l'instant à Bentonia, il faut voir aussi l'instant où tu stresses avant, où tu dis je vais jouer de la guitare là dedans, tu sens que ça va venir et puis, il y a un moment où tu n'as pas le choix, tu joues.

Laurent: disons que ton inconscient te dit et c'est complètement ridicule "tu es en danger" et donc, tu te sens en danger tout le temps et pourtant, les mecs autour de toi, ils ont le grand sourire et ils sont contents de te voir.
Mathias Dalle

Mathias: ce qu'il faut savoir, c'est qu'à mon avis, le gars cool par excellence, c'est le black du Mississippi.

Jocelyn: tu as joué aussi à l'Ebony club, à Indianola ?
Indianola Mathias: non, on n'y a pas joué mais on y est allé, on est passé un dimanche matin, on a rencontré Mary Shepard, la patronne de l'Ebony, qui est mentionnée dans le livre "la route du blues". On a fait tout les juke joints en espérant qu'il se passe un truc et on avait tout le temps les boules; donc, on se pointe à l'Ebony, on ouvre, on tombe sur 2 gars qui regardent une télé, on leur dit : "bonjour, on voudrait écouter du blues, est ce qu'il y a des concerts ?" Mary Shepard nous dit: "il y a un pique nique". On est tombé dans un pique nique !!! C'était 5 concerts de blues. Eux ils appellent ça du blues mais en fait, c'est de la soul. Tu as des baraques partout, on est allé dans ce truc là, on était 600 ou 700 et on était les deux seul blancs. On avait fait le plein de bière dans notre glacière, j'étais assis sur la glacière et il y avait des gars qui débarquaient "give me a beer, man" nous, on a été sympa (ou un peu cons ?!), on a filé des bières à tout le monde ! et Mary Shepard, elle nous avait rencardé là dessus en fait, je crois qu'on peut dire qu'on a fait un pique nique blues, c'était une grande étendue d'herbe avec une scène au bout et les blacks, ils n'écoutent pas de la musique pour écouter, ils veulent danser, s'amuser, se retrouver : "let the good time roll !"

Laurent: à partir du moment où il y a un rythme, ils dansent !

Mathias: Ils dansent, c'est affolant ce qu'ils ont ! dès que ça part, boum ! dès qu'il y a un rythme, ils partent !

Laurent: à un moment, on était à Clarksdale, on est allé à la gare qui a été restauré, là où il y a un club - le Ground Zero - qu'on n'a pas trouvé, parce qu'il y a un truc sur les juke joints, c'est qu'ils sont durs à trouver.

Mathias: Là dessus, hommage à Jocelyn Richez, c'est que dans le van, on avait toujours deux choses, la carte de la ville détaillée et ton guide du blues; sans déconner, ton truc, ça nous a vraiment servi. On avait tout imprimé en deux volumes et je t'assure que ton guide, il nous a servi tout le temps. Le problème dans le Mississippi, c'est qu'au bout de six mois, les adresses sont périmées, ça bouge tout le temps. Les endroits sont hyper durs à trouver. Je t'assure qu'on a cherché. On s'est arrêté dans des bleds et on est allé voir les gens en disant "on cherche tel truc, est ce que vous savez où c'est ?" Et le mec, il nous emmenait au numéro untel de tel rue et c'était un épicerie ! On a cherché la Mississippi Delta Blues Society à Itta Bena, on est allé là bas, on est tombé dans un lotissement, une belle baraque, on a sonné, on n'a jamais vu personne ! Le Mississippi, c'était le gros but de notre voyage et quelque part, on n'a pas trouvé grand chose. Après, Laurent était beaucoup plus franc que moi, son truc, c'était les juke joints, moi, je n'ai pas fait le malin. Laurent, il me disait: "viens, on va dans tel club". Moi, je ne voulais pas décevoir mon meilleur pote, je ne disais rien, je sortais de la camionnette et je rentrais dans le club mais en fait, j'avais le trouillomètre à zéro. Tu as l'impression que dans chaque bled du Mississippi, tu as une frontière, c'est la voie de chemin de fer; d'un côté, tu as les super quartiers pénards, et de l'autre côté, tu as le ghetto. Alors, Laurent, il me donnait les adresses, et à chaque fois, je franchissais la voie ferrée, et chaque fois, je me disais, ça y est, on est reparti dans la galère !
voie de chemin de fer
Clarksdale Laurent: c'est dingue cette voie ferrée, c'est une frontière, tu as l'impression de passer de la Norvège au Zimbabwe !

Mathias: tu as cinquante blues à écrire sur cette voie ferrée; tu es dans les super bâtisses avec les blancs, tu franchis la voie ferrée et tu es dans la pauvreté totale. Et les clubs de blues, ils étaient presque à chaque fois dans le ghetto.

Laurent: on n'a pas trouvé grand chose mais on a vu quand même un concert exceptionnel à Clarksdale.

Jocelyn: c'était dans quel club ?

Mathias: Ce n'était pas un club connu, à côté du Delta Blues Museum, à l'ancienne gare, c'était encore dans les quartiers propres, du bon côté de la voie ferrée ;-)

Laurent: là, on a vu jouer un groupe, sans compter le guitariste chanteur, la moyenne d'âge, c'était 12 ans ! Et le mec qui chantait, en fait, c'était le prof.

Jocelyn: ce n'était pas Johnny Billington ? il enseigne le blues aux gamins…

Laurent: c'est peut être lui, je sais qu'il est prof à la fac de blues.

Mathias: il a 45/50 ans, un black, c'est un gars qui a joué avec Big Jack Johnson, je sais que c'était son club à lui.

Laurent: ce sont des fumeurs hallucinants, ils fument le pétard.

Mathias: ça c'est pas une légende, dans le Mississippi, les gars sont camés

Laurent: à Clarksdale, j'ai discuté avec un vieux bonhomme, le gars, c'était mon négatif, il avait le bouc blanc et la peau noire, on a rigolé là dessus et on a parlé pendant deux - trois heures et pendant ce temps là, il a fumé trois joints, le gars était défait et ça faisait des années qu'il faisait ça et il parlait de blues, il me parlait et je ne comprenais rien. Et donc, comme à mon habitude, ce soir là, j'ai aussi discuté avec le prof, je lui ai dit que Mathias était guitariste et donc il est allé faire un set à la guitare.
Mathias à Dockery farm Mathias à Dockery farm

Mathias: j'ai joué un set là dedans, tu avais un batteur qui jouait mieux que n'importe quel batteur, tu avais un bassiste qui était balafré de partout, 14 - 15 ans, qui cartonnait, sans déconner, le groove, il savait ce que c'était ! Le gars, il avait la casquette, habillé en basketteur, et à la fin du set, le bassiste vient me voir, il me dit: "il faudrait qu'on discute après". Moi, je lui dis ok ! Qu'est ce que tu penses à ce moment là ? Tu te dis le gars il va te parler de blues, te demander où est ce que tu joues etc et il vient me voir à la fin. Il me dit "on peut se parler maintenant ?" je dis "oui, ok, je suis libre" et il me dit "j'ai du crack, est ce que ça t'intéresse ?" le gars, il avait 14 - 15 ans !!! Sinon, ils étaient excellents. Le bassiste, à un moment est passé guitariste puis il y a un autre gars de 13 ans qui est venu qui a pris la guitare, qui commence à monter sur les tables, qui commence à faire son show, ils ont un sens du spectacle qui est inné, nous on copie tout le temps mais eux, c'est direct, c'est affolant ! Là, à Clarksdale, on s'est pris une claque. J'ai joué une heure et demi là dedans, c'est dingue. A un moment, tu avais une fille qui avait à peine 13 - 14 ans, elle était toute timide, elle jouait au billard, un moment c'est moi qui joue et le gars lui file la 2ème guitare et elle commence. j'étais là, je jouais en regardant mes pompes et un moment je commence à lever la tête et je me suis dit mais qu'est ce qui arrive ? Elle commençait à jouer des solos et je ne savais pas d'où ça venait.

Mathias à Tutwiler Jocelyn: c'était dans le style "delta" ?

Mathias: c'était dans le style bien roots, le delta électrifié, c'est pas de l'acoustique, c'est pas country blues. A la limite, c'était plus prêt du son de Memphis, celui de Sun records, le son bien gras, c'est un peu approximatif mais en même temps, tu as le beat qui tourne ! Et à un moment, le prof arrive, il prend le micro, il l'abaisse et il lui met devant la bouche, je l'entend chanter et je me dis "laisse tomber !"; cette nana, elle avait 13 - 14 ans, elle avait une voix super aiguë et elle t'accrochait le truc ! avec Laurent, on a fini la soirée en se disant "ça vient d'où ?".Et deux jours plus tard, on est allé au Delta Blues Museum, et je vois un magasin de guitares d'occasion à côté, donc, je vais jeter un oeil, et qu'est ce que vois comme vendeuse ? cette nana ! Franchement, le groupe qu'il y avait là bas, tu prends la nana de 14 ans, le bassiste de 14 - 15 ans, le batteur de 12 ans et tu prends le jeune guitariste qui n'était pas dans le groupe mais qui devait 15 ans qui faisait son show; tu prends ces quatre là - moyenne d'âge de 14 ans -, tu les fous dans n'importe quelle salle de France, ils t'explosent à la gueule ! Franchement, des sections rythmiques, j'en ai vu un paquet, mais ces deux là, ça tournait, c'était affolant ! Pfff !

Jocelyn: Et Memphis ?

Mathias: on n'a pas eu de chance car on est arrivé en plein pendant la période de l'anniversaire de la mort d'Elvis. Il y avait des clones partout. Et Beale street, dans tous les clubs, c'était la semaine d'Elvis !

Laurent: à l'entrée de tous les clubs, il y avait en grand "welcome to Elvis fans !", c'était vraiment gonflant ! Pour moi, Bourbon street et Beale street, c'est pareil, j'ai été très déçu.

Mathias: on a quand même vu un truc sympa avec une fille à la contrebasse et un mec qui jouait des trucs à la Eddie Taylor. Memphis, on y est resté trois et musicalement, on n'y a pas vu grand chose. Au Rum Boogie Cafe, on a vu un groupe de jazz fusion. On n'a pas accroché. Mais, à mon avis, Memphis, ça peut être sympa…

Laurent: on est resté trop sur Beale street

Jocelyn: êtes vous allé au Wild Bill ?

Mathias: non, on n'y est pas allé; mais tu sais, ça commençais déjà à sentir la fin. On s'est dit on rentre à Chicago, on va retrouver nos amis. Et puis, comme il fallait revendre le van à Montréal, on s'est dit, si on repart un peu plus tôt, ça nous permet d'avoir un peu plus de temps pour revendre le van.
Rum boogie cafe, Memphis

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